On connaît bien le slogan utilisé aux États-Unis par ceux qui ne veulent pas entendre parler de contrôle des armes à feu : ce ne sont pas les armes qui tuent, mais plutôt les gens.

Donald Trump a recyclé ce slogan hier. « C’est la maladie mentale et la haine qui appuient sur la détente », a-t-il déclaré lors de son allocution prononcée en réaction aux plus récentes tueries.

Et l’idée de mieux encadrer les ventes d’armes ? Chut ! Ne parlez pas trop fort. Ça pourrait effaroucher plusieurs donateurs et partisans républicains qui portent Donald Trump dans leur cœur !

Bref, si vous pensiez que ces nouveaux drames sanglants allaient enfin sortir les politiciens américains à Washington de leur torpeur et que l’urgence de la situation les pousserait à mettre de l’avant des mesures pour s’attaquer aux racines du problème, vous risquez fort d’être déçus.

À entendre Donald Trump hier, tout porte à croire que si jamais il y a des changements dans ce dossier d’ici la prochaine élection présidentielle, ils seront surtout cosmétiques.

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Précisons que les propos du président hier à la Maison-Blanche ont été plus pertinents et moins provocateurs que d’habitude. Lorsque survient un événement tragique, il semble préférer s’en tenir aux discours qu’on rédige pour lui. Il cesse d’improviser et ne cherche pas à épater la galerie. Tant mieux.

PHOTO SAUL LOEB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump lors de son discours, hier, à la Maison-Blanche

C’est ainsi qu’il a dénoncé « le racisme, le sectarisme et le suprémacisme blanc ». C’était LA chose à faire alors qu’au moins une des deux tueries semble avoir été l’œuvre d’un terroriste d’extrême droite, le tueur blanc d’El Paso au Texas ayant publié sur le web un manifeste raciste avant de passer à l’acte.

Mais si Donald Trump s’était véritablement comporté en dirigeant responsable, il aurait osé parler de façon explicite du contrôle des armes à feu.

Il a bien dit vouloir retirer plus facilement les armes à feu aux personnes qui représentent un risque potentiel pour la société, mais sa liste de souhaits et de reproches était surtout taillée sur mesure pour plaire aux membres de la National Rifle Association.

Il a parlé de façon générale des problèmes de santé mentale de ses concitoyens – c’est un enjeu crucial, mais complémentaire – pour ensuite blâmer « internet et les réseaux sociaux » tout autant que la « glorification de la violence » aux États-Unis, notamment dans les jeux vidéo.

Il avait pourtant dit, plus tôt sur Twitter, être favorable à une meilleure vérification des antécédents des Américains qui veulent acheter une arme à feu. Or, il n’a pas répété cette suggestion pendant son discours. Ça signifie probablement que ses conseillers l’ont rapidement encouragé à mettre cette idée sur une tablette.

PHOTO JOSE LUIS GONZALEZ, REUTERS

Un policier monte la garde près du Walmart d’El Paso,
au Texas, où 22 personnes ont perdu la vie.

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Si Donald Trump s’était véritablement comporté en dirigeant responsable, il aurait aussi profité de l’occasion pour faire son mea culpa. Il a eu beau prendre quelques secondes de son discours pour dénoncer le racisme, il reste que ça fait des mois que l’espace public est saturé par ses déclarations incendiaires. Certaines ont assurément alimenté les tensions raciales et la haine de l’autre.

À ce sujet, une vidéo particulièrement éloquente, qui date de mai dernier, s’est remise à circuler dans les médias et sur les réseaux sociaux. On y voit le président, qui a plusieurs fois dénoncé les migrants clandestins en parlant d’une « invasion », se demander comment on pourrait les arrêter. Un des participants au rassemblement réplique aussitôt : « Tirons-leur dessus ! »

La plupart des politiciens américains auraient dénoncé de tels propos. Pas Donald Trump. Sa mine ne s’est même pas assombrie. « Il n’y a que dans le Panhandle [la région de la Floride où il se trouvait alors] que vous pouvez vous en sortir avec quelque chose comme ça », s’est-il exclamé. Des rires et des applaudissements ont fusé. Comme si tout ça n’était qu’une autre bonne blague présidentielle !

La haine existait aux États-Unis avant Donald Trump. Et bon nombre d’autres républicains s’accommodaient fort bien de poussées d’intolérance lorsque ça servait leurs intérêts électoraux au cours des dernières décennies.

Mais les nombreux incidents haineux et tueries de masse spectaculaires depuis l’élection du président républicain devraient le faire réfléchir. L’encourager à modérer ses ardeurs et ses propos. 

PHOTO BRYAN WOOLSTON, REUTERS

Le Ned Pepper’s Bar, théâtre de la tuerie de Dayton,
en Ohio

Or, hier encore, il préférait tirer sur le messager : les médias. « Les fake news ont grandement contribué à la colère et à la rage qui se sont développées durant de nombreuses années », a-t-il écrit sur Twitter. C’est pitoyable.

Le travail du président américain est d’éteindre les feux et de trouver des solutions pour atténuer les risques que d’autres brasiers se déclarent. Donald Trump, au contraire, semble prendre un malin plaisir à parcourir le pays avec un bidon d’essence à la main. C’est tragique.

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