Désormais, à San Francisco, il faudra être vraiment motivé pour vapoter. La métropole a récemment annoncé qu’elle allait interdire la vente de cigarettes électroniques. Une mesure draconienne qui a frappé les esprits et qui montre à quel point on prend de plus en plus conscience des risques associés au vapotage.

Les élus de la ville californienne, toutefois, font fausse route. On force la note en mettant la cigarette électronique à l’index. On a prouvé que c’est un outil efficace pour empêcher les fumeurs de consommer des produits du tabac, plus nocifs pour la santé. La décision est donc contre-productive. Trop, c’est comme pas assez.

Ce qu’on ne peut pas reprocher aux élus de San Francisco, par contre, c’est d’avoir voulu agir. Et de vouloir sévir. On a pendant longtemps donné carte blanche aux fabricants de cigarettes électroniques, aux États-Unis comme au Canada, et on commence à comprendre à quel point c’était une grave erreur.

Il faut, de façon urgente, durcir les règles du jeu pour le vapotage comme on l’a fait dans le passé pour le tabac. C’est désormais une évidence.

La cigarette électronique fait de plus en plus de ravages – et ils sont de mieux en mieux documentés – chez les jeunes qui ne fument pas. Ils sont maintenant nombreux à devenir accros à la nicotine et ne se doutent parfois pas, initialement, qu’ils seront un jour enchaînés aux vapoteuses qu’ils trouvent aujourd’hui si cool !

Vapoter n’est pas aussi dangereux pour la santé que fumer, c’est vrai. Mais le fait est que ce nouveau produit n’est pas inoffensif et qu’on ne sait pas grand-chose quant à son impact sur la santé si on l’utilise pendant plusieurs années.

Sans compter que des experts s’inquiètent de la possibilité d’un effet passerelle : et si ces jeunes qui vapotent aujourd’hui étaient plus susceptibles de se mettre à fumer de vraies cigarettes demain ?

Une importante étude publiée le mois dernier, menée par le chercheur ontarien David Hammond, est venue confirmer la popularité croissante du vapotage chez les adolescents tant au Canada qu’aux États-Unis. Ils se ruent sur les cigarettes électroniques avec l’enthousiasme d’un enfant dans un magasin de bonbons.

Au Canada, le nombre de jeunes de 16 à 19 ans qui vapotent a grosso modo doublé entre 2017 et 2018, a estimé le chercheur. Parmi les données recueillies, on rapporte que 14,6 % des adolescents questionnés en 2018 ont dit avoir vapoté au cours des 30 derniers jours, contre 8,4 % l’année précédente. Et 9,5 % avaient vapoté au cours des sept derniers jours en 2018, contre 5,2 % en 2017.

L’étude expose, parallèlement, un autre phénomène troublant. Le nombre de jeunes de 16 à 19 ans qui ont fumé des cigarettes a aussi augmenté entre 2017 et 2018, une hausse imprévue, qui renverse la tendance observée depuis de nombreuses années. Non seulement le vapotage chez les adolescents est hors de contrôle, mais en plus, ils sont maintenant plus nombreux à se laisser tenter par la cigarette !

Est-ce que c’est le vapotage qui est en train de doper l’usage du tabac chez les jeunes au pays ? On peut le penser, mais David Hammond et ses collègues ne vont pas jusque-là. D’autres études seront nécessaires pour l’évaluer. En revanche, une conclusion s’impose : la nicotine est de plus en plus populaire chez les jeunes et c’est une très, très mauvaise nouvelle.

Et pendant ce temps, Santé Canada… euh… Santé Canada… consulte.

Ce n’est pas une mauvaise chose, entendons-nous. Mais les circonstances réclament des gestes fermes et rapides, pas seulement des séances de remue-méninges.

D’ailleurs, de nombreux experts ont énuméré au cours des derniers mois toute une série de mesures qui pourraient être prises pour serrer la vis aux fabricants de cigarettes électroniques et pour freiner leur succès chez les jeunes.

Il serait possible, par exemple, d’interdire la plupart des saveurs, qui expliquent en partie l’engouement des jeunes pour le vapotage. Pourquoi ne pas, du même coup, plafonner la concentration en nicotine des produits qui sont sur le marché canadien ? On l’a fait sur le continent européen et c’est peut-être ce qui explique pourquoi les adolescents britanniques sont moins nombreux à vapoter que ceux du Canada et des États-Unis, suggère l’étude menée par David Hammond.

On comprend mal, par ailleurs, pourquoi Ottawa n’a pas décidé d’imposer les mêmes restrictions en matière de publicité aux fabricants de cigarettes électroniques que celles en vigueur pour les produits du tabac. Il est plus que temps d’y remédier.

Les élus de San Francisco ont peut-être été trop agressifs en interdisant la vente de cigarettes électroniques. Mais nos élus à Ottawa, eux, sont trop laxistes. Lorsqu’il est question de protéger nos jeunes, procrastiner ne devrait pas être une option.

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