Le Fonds vert est mort, vive le Fonds vert !

C’est un peu le message que la CAQ a tenté de transmettre en annonçant d’importants changements sur le plan de la gouvernance du Fonds vert et en lui offrant un nouveau nom. Il deviendra bientôt le « Fonds d’électrification et de changements climatiques », un coup de marketing politique dont la logique est évidente : on ne pourra plus dénoncer le Fonds vert puisqu’on ne pourra plus le nommer ainsi !

Au-delà de ce changement cosmétique, le nouveau ministre de l’Environnement, Benoit Charette, était visiblement convaincu qu’un coup de barre s’imposait pour dénouer l’impasse. Il est difficile de lui donner tort. Le commissaire au développement durable avait fait état, pas plus tard que le mois dernier, de « nouvelles situations problématiques » liées à la gestion du Fonds vert.

Bref, le ministre semble avoir de bonnes intentions dans ce dossier. Hélas, l’expérience nous a appris que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions, tout particulièrement en politique…

Ce qui inquiète par-dessus tout, c’est la décision d’abolir le Conseil de gestion du Fonds vert.

On l’avait créé en 2017 pour dépolitiser le processus d’attribution des enveloppes allouées aux projets financés par Québec. Il passe à la trappe alors qu’on ne lui a pas vraiment laissé le temps de faire ses preuves.

On lui reprochait de s’attribuer une trop grande autonomie. Ce n’était pas une lubie puisque le commissaire au développement durable avait signalé des problèmes liés à l’interprétation de ses responsabilités par rapport à celles du ministère de l’Environnement. Mais la sanction est sévère. On le prive d’exister.

Le Conseil de gestion du Fonds vert avait pourtant été créé dans le but de régler les problèmes de gestion. Il faisait des recommandations au Ministère, de façon indépendante. Il devait évaluer le bien-fondé de chacun des investissements souhaités avec les sommes disponibles, principalement en lien avec les réductions potentielles d’émissions de gaz à effet de serre.

Ses fonctions et ses ressources vont être transférées au Ministère. Si bien qu’en le faisant disparaître, on est donc de retour à la case départ. À l’endroit exact où se trouvait le Fonds vert à l’époque où on avait dénoncé sa gestion parce que certains des projets financés étaient pour le moins… douteux. On se souvient des millions de dollars versés à Énergie Valero pour un oléoduc ou des centaines de milliers de dollars octroyés à Air Canada pour installer des ailettes sur quatre Boeing 767.

La transition énergétique stimulait un peu trop la créativité au sein des ministères, et le Conseil de gestion du Fonds vert avait été mandaté pour mettre de l’ordre.

Est-ce que sa disparition signifie qu’on recommencera à donner carte blanche à tous les projets, même les plus discutables ?

Le ministre Benoit Charette se veut rassurant. Il a l’intention de créer un comité « complètement indépendant du gouvernement », qui sera chargé de conseiller Québec sur les façons de mieux utiliser les sommes disponibles. La nature des représentants qui vont siéger à ce comité sera précisée dans un projet de loi qu’on déposera cet automne. Comme tous les autres changements annoncés la semaine dernière, d’ailleurs.

Étant donné que le diable est dans les détails, il est sage d’attendre avant de rendre un jugement définitif. Cela dit, il est également prudent de faire preuve d’un sain scepticisme.

Tout comme on ne vend pas la peau d’un ours tant qu’il n’a pas été tué, on ne règle pas un problème si on se contente de le déplacer.

Par ailleurs, ce qui va être fondamental, c’est la réflexion qui s’annonce quant à la mission du nouveau Fonds vert. Comment peut-on utiliser les milliards disponibles de la façon la plus efficace possible ? Avec en tête, bien sûr, l’idée qu’il faut rapidement déployer des efforts plus substantiels dans le but d’atteindre nos cibles de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Pour l’instant, à la lumière des mesures évoquées et des questions qui demeurent sans réponses, le nouveau ministre de l’Environnement mérite un carton jaune. Un avertissement. Les possibilités de dérapage sont là et ses prochaines décisions s’annoncent cruciales.

Lorsque le commissaire au développement durable a récemment sonné l’alarme au sujet de la gestion du Fonds vert, il a néanmoins été clair quant à son potentiel. Il peut devenir « un outil puissant de développement durable s’il est géré adéquatement et si les sommes sont bien utilisées », a-t-il soutenu. De grâce, laissons pour une fois le bon sens l’emporter dans ce dossier.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion