On n’a même pas besoin de tendre l’oreille pour les entendre, les tambours de la guerre. Ils résonnent à Washington depuis un certain temps. Et la cible potentielle, c’est bien sûr l’Iran.

Bon nombre d’observateurs avaient souligné, depuis le début de l’escalade entre Washington et Téhéran, à quel point les risques de dérapages étaient grands. Leur prédiction est passée à un cheveu de se réaliser jeudi. Des frappes devaient être menées contre l’Iran ce jour-là, mais Donald Trump aurait changé d’avis 10 minutes avant l’attaque.

Le président américain a dit avoir appris qu’il y aurait environ 150 victimes s’il ne reculait pas. Il jugeait que « c’était disproportionné par rapport à une attaque contre un drone ». Il faut saluer sa retenue et espérer qu’il va continuer à en faire preuve dans ce dossier délicat.

Car malgré l’escalade en cours, rien ne justifie une guerre contre l’Iran. 

Or, les faucons de l’administration américaine semblent en train de préparer une liste de griefs et de motifs visant à justifier un tel conflit. C’est conforme à ce qui s’était passé au début des années 2000 lorsque la Maison-Blanche a diabolisé l’Irak de Saddam Hussein et exagéré la menace que ce pays représentait pour le reste du monde. Avec les conséquences que l’on sait…

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Ce n’est pas d’hier que l’idée d’en découdre avec l’Iran alimente les débats à Washington, tout particulièrement chez les républicains. Il y a une douzaine d’années, le sénateur John McCain avait même chanté en public, sur l’air de Barbara Ann des Beach Boys : « Bomb Iran. Bomb, bomb, bomb. »

Rappelons aussi que sous George W. Bush, la Maison-Blanche avait soutenu que l’Iran faisait partie d’un axe du mal avec l’Irak et la Corée du Nord.

Plus ça change, plus c’est pareil. Des républicains va-t-en-guerre, on en retrouve aussi dans l’entourage de Donald Trump. À des postes clés.

À commencer par son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, qui était naguère l’un des promoteurs de la guerre en Irak. Il a déjà affirmé publiquement qu’il fallait bombarder l’Iran pour détruire ses infrastructures nucléaires et, dans la foulée, provoquer un changement de régime.

Ces faucons avaient le vent en poupe, aux États-Unis, avant même que l’Iran n’attaque un drone américain jeudi. De nouvelles étapes dans l’escalade étaient franchies régulièrement.

Quelques jours plus tôt, l’Iran avait annoncé que ses réserves d’uranium enrichi allaient bientôt dépasser la limite prévue en vertu de l’accord nucléaire signé (sous Barack Obama) en 2015. Un geste de défi posé alors que deux pétroliers venaient d’être attaqués à proximité du détroit d’Ormuz… quelques semaines après des actes de sabotage ayant visé quatre autres navires. Washington a accusé l’Iran d’être à la source de ces incidents, qui ont poussé l’administration américaine à fourbir ses armes.

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Il est hors de question de prendre la défense du régime iranien en lui donnant le bon Dieu sans confession. Il existe de très nombreuses raisons de critiquer ceux qui administrent cet État autoritaire et corrompu. Et il est bel et bien possible qu’ils aient ordonné les attaques et actes de sabotage des dernières semaines.

Mais il est également nécessaire de remettre le débat actuel en contexte. C’est l’administration américaine qui a mis le feu aux poudres.

En torpillant l’accord sur le nucléaire iranien l’an dernier et en imposant de nouvelles sanctions, la Maison-Blanche a ouvert une boîte de Pandore. Hélas, elle ne semble pas avoir réfléchi à une stratégie qui lui permettrait (éventuellement) de la refermer.

Son plan de match consistait essentiellement à exercer une « pression maximale » sur l’Iran dans le but d’obtenir des concessions et peut-être même de pousser les Iraniens à renverser le régime en place. C’était sans tenir compte de la résilience de ce dernier. Les sanctions lui font très mal, mais au lieu de se mettre à genoux, il se braque.

Les États-Unis et l’Iran jouent un jeu très dangereux. D’autant plus que plusieurs pays dans la région, à commencer par Israël et l’Arabie saoudite, verraient d’un bon œil une éventuelle attaque américaine contre l’Iran.

Donald Trump a-t-il compris que l’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat ? Est-ce que sa modération peut sortir les deux pays de ce mauvais pas ? Faute de mieux, il faut probablement miser sur cette option. C’est tout un renversement de perspective. Et c’est un pari incontestablement hasardeux.

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