Il y a un paradoxe inhérent à l’élargissement éventuel de l’aide médicale à mourir : le besoin est pressant, mais il faut aller de l’avant sans se précipiter tant la question est délicate.

La Presse révélait en début de semaine que le groupe d’experts chargé par Québec d’amorcer la réflexion à ce sujet est prêt à recommander qu’on autorise, à certaines conditions, les demandes anticipées d’aide médicale à mourir.

Rappelons qu’actuellement, seuls les malades dont la mort est raisonnablement prévisible et qu’on juge aptes à consentir à l’aide à mourir au moment où ils s’apprêtent à en bénéficier y ont droit.

Il faut s’attendre à ce que les opposants de l’aide médicale à mourir reviennent à la charge pour dire tout le mal qu’ils pensent d’un tel élargissement. Mais le fait est qu’on a démontré hors de tout doute au Québec qu’il est possible à la fois de réfléchir, de débattre et de légiférer au sujet de l’aide médicale à mourir de façon responsable et sereine.

On s’est jusqu’ici, en quelque sorte, hâté lentement. Depuis la création de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité il y a maintenant 10 ans, on n’a pas tergiversé, sans toutefois agir dans la précipitation.

La même approche devrait de nouveau être de mise même si l’élargissement évoqué représente essentiellement la suite logique de la réflexion entamée avec la Commission.

La question des demandes anticipées a en effet presque toujours été au cœur des débats. Même que le groupe d’experts québécois, qui remettra son rapport final à la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann cet été, date de l’époque où Gaétan Barrette occupait ce poste.

La CAQ ne sortait donc pas un lapin de son chapeau lorsqu’elle a promis, lors de la campagne électorale, de mener des consultations sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démence sévère.

Cette semaine, tant le Parti québécois – par la voix de Véronique Hivon – que le Parti libéral ont soutenu l’idée de tenir des consultations publiques et ont insisté sur l’importance d’une démarche non partisane.

Une commission parlementaire pourrait être l’endroit idéal. La tenue de débats éclairants et la recherche du consensus le plus large possible sont souhaitables.

Notons par ailleurs qu’il n’y a pas qu’au Québec qu’on se questionne. Le gouvernement fédéral a lui aussi demandé à un comité d’experts indépendants de se pencher sur certaines questions n’ayant pas été tranchées lorsqu’on a légiféré, y compris les demandes anticipées.

Dans leur rapport, on ne fait aucune recommandation, mais on aborde de front certains enjeux fondamentaux, dont le risque qu’une personne ayant fait une telle demande puisse, le jour venu, recevoir l’aide médicale à mourir contre sa volonté. On fait état de « mesures de protection » potentielles dans le but de réduire cette probabilité au minimum. Certaines mesures légales comprenant des critères d’accès bien définis et la nomination d’un mandataire « avec une orientation et des limites claires quant à son rôle », par exemple.

Au sujet des critères d’accès, la question du consentement éclairé sera certainement au centre des préoccupations. Selon ce qu’on sait du rapport du groupe d’experts québécois, ceux-ci estiment qu’on devrait permettre une demande anticipée d’aide médicale à mourir à partir du moment où l’on a diagnostiqué une maladie grave et incurable chez un patient. Bien sûr, toute une série de conditions définies au préalable devront aussi être respectées.

Les discussions à venir ne seront pas simples, mais ce n’est surtout pas une raison pour les escamoter.

Les sondages et les débats de société (ceux, récents, entourant la condamnation de Michel Cadotte pour homicide involontaire après avoir tué sa femme souffrant d’alzheimer en sont un bon exemple) démontrent d’ailleurs un fort soutien à un élargissement.

Sans compter qu’avec le vieillissement de la population, les cas problématiques risquent fort de se multiplier. On estime qu’en 2030, 180 000 personnes seront atteintes de la maladie d’Alzheimer et d’autres troubles neurocognitifs majeurs.

Ouvrir la porte aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir, prudemment et avec des balises claires et consensuelles, est aussi nécessaire qu’inévitable.

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