L’austérité est officiellement terminée en éducation, mais des chaînes humaines viennent de réapparaître autour de certaines écoles. Cette fois, c’est la révision des indices de défavorisation qui est en cause.

La colère des parents est justifiée. Plusieurs écoles ont appris qu’elles allaient perdre des sommes dédiées à l’amélioration du sort des enfants les plus vulnérables. Ça va de mesures alimentaires (on parle ici de l’offre de repas à 1 $ par jour ou de collations et de lait gratuits) à l’accès à un plus grand nombre de spécialistes comme des orthopédagogues ou des psychoéducateurs. Sans compter qu’une école qui ne se classe plus dans le peloton de tête des établissements les plus défavorisés va voir son nombre d’élèves par classe augmenter.

C’est paradoxal, mais c’est en quelque sorte par souci d’égalitarisme qu’on se retrouve avec ce problème.

Des sommes sont offertes tant par Québec que par le Comité de gestion de la taxe scolaire à Montréal « pour assurer le rattrapage en matière d’éducation dans les milieux défavorisés ».

On utilise une « carte » conçue à partir d’un calcul complexe pour déterminer les écoles les plus défavorisées, à qui on remet ces enveloppes additionnelles. Or, comme on révise cette carte ponctuellement, il y a évidemment des gagnants… et des perdants. Des sommes sont transférées de certaines écoles vers d’autres établissements pour tenir compte de l’évolution estimée de la défavorisation sur le terrain.

Prenons des exemples concrets dévoilés par la Commission scolaire de Montréal. L’école primaire Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, située dans l’arrondissement du Sud-Ouest, a appris que ses élèves pourraient dorénavant bénéficier de repas à 1 $ offerts grâce aux allocations liées à la carte de la défavorisation.

Mais en contrepartie, les enfants de l’école primaire Marie-Rivier, située dans le quartier Saint-Michel, n’y auront plus droit. Au total, à la CSDM, ce sont 15 écoles qui ne devraient plus avoir accès aux mesures d’aide alimentaire en vertu des calculs effectués.

Fort heureusement, l’indignation de plusieurs acteurs du milieu scolaire semble avoir fait bouger les choses. Tant le ministre de l’Éducation que le Comité de gestion de la taxe scolaire – qui détermine les règles de répartition des sommes destinées aux milieux défavorisés – ont signalé qu’ils allaient chercher à compenser les pertes annoncées.

C’est une excellente nouvelle, mais comme toujours, le diable est dans les détails. Le ministre Jean-François Roberge a notamment rappelé que des fonds avaient été injectés pour l’embauche de plusieurs centaines de spécialistes l'automne prochain. Fort bien. Mais ça ne signifie pas nécessairement qu’une école ayant dû couper l’équivalent de cinq jours de services offerts par un orthopédagogue pourra les retrouver en totalité.

À la CSDM – qui estime ni plus ni moins que le tiers de ses enfants vivent sous le seuil de la pauvreté –, on confirmait hier que malgré l’argent frais injecté par Québec, le budget de 57 écoles sera amputé l’an prochain.

On comprend le désarroi des parents et des enseignants qui vont devoir se serrer la ceinture parce qu’on estime que leur école n’est plus aussi défavorisée qu’auparavant. On leur enlève le pain de la bouche.

Les témoignages recueillis par les médias au cours de la dernière semaine dans les écoles touchées démontrent qu’elles avaient déjà du mal à combler les besoins des jeunes. La situation risque fort de se détériorer.

Doit-on revoir l’indice de défavorisation ? Il est certainement possible de le rendre plus fidèle à la réalité. Mais même si on le modifiait, le problème de base ne serait pas réglé : les conditions sont précaires dans bon nombre d’écoles.

Les services qu’on va devoir supprimer n’étaient pas superflus. Ainsi, même si les sommes en jeu varient selon les établissements et ne sont pas toujours considérables, ça va faire mal quand même.

La balle est actuellement dans le camp du ministre de l’Éducation. Ce qui fait mal, on le soigne, surtout lorsqu’on a promis de faire les choses différemment. Car la CAQ a décidé de faire de l’éducation une priorité, et le dynamisme que Jean-François Roberge manifeste jusqu’ici semble prouver que c’est bel et bien le cas.

En la matière, le nouveau gouvernement a fait naître beaucoup d’espoir. Il devrait veiller à ne pas décevoir.

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