Le devoir de mémoire... Ces jours-ci, l'expression est à nouveau de circonstance. Il y a 25 ans débutait le génocide rwandais.

Mais avant de se souvenir, il faut connaître. Pour comprendre, il faut apprendre. Et le fait est que notre performance quant à l'enseignement des génocides, au Québec, n'est pas reluisante.

Moses Gashirabake peut en témoigner. C'est un survivant du génocide rwandais. Sa famille a fui les massacres contre les Tutsis en se réfugiant au Kenya. Il est arrivé au Québec il y a une dizaine d'années et il a plusieurs fois, depuis, participé à des activités de sensibilisation dans les écoles secondaires et les cégeps.

« Il y a beaucoup de jeunes qui ne connaissent pas les génocides en général et ne savent pas ce qui s'est passé au Rwanda », raconte-t-il. Ces élèves « sont sous le choc » quand il leur apprend qu'environ 800 000 personnes ont été tuées dans ce pays d'Afrique.

S'il y a tant de jeunes au Québec qui ne sont pas au courant de la tragédie rwandaise et pour qui la notion de génocide demeure floue, c'est en partie parce que ce n'est pas enseigné de façon systématique dans les écoles.

Le sujet n'est bien évidemment pas exclu du curriculum. Le président de la Société des professeurs d'histoire du Québec, Raymond Bédard, confirme d'ailleurs que « c'est à peu près impossible de ne pas parler de l'Holocauste » lorsque le sujet de la Seconde Guerre mondiale est abordé, en deuxième secondaire ou en quatrième secondaire.

Certains enseignants vont plus loin et explorent de façon plus approfondie la notion de génocide avec leurs élèves, dans le cadre des cours d'histoire ou d'éthique et culture religieuse. Ce n'est toutefois pas généralisé, car il n'y a rien de précis, à ce sujet, dans le programme de formation.

Vous penserez peut-être en lisant ces lignes : encore un enjeu, en matière d'éducation, sur lequel le gouvernement provincial traîne les pieds ! Pourtant, non. Au contraire.

Premièrement, il faut savoir que nous n'avons rien à envier au reste du Canada ; rares sont les provinces qui font mieux que nous lorsqu'il s'agit d'enseigner l'histoire des génocides à l'école. Deuxièmement, Québec est en train de se donner les moyens de changer la donne.

On met actuellement au point, au ministère de l'Éducation, un projet-pilote qui devrait être implanté dans certaines écoles dès l'automne et qui permettrait aux enseignants d'avoir accès à du contenu pédagogique à ce sujet. On souhaite ensuite étendre l'initiative « si elle est concluante ».

Le changement annoncé est en grande partie le résultat du travail de la Fondation pour l'étude des génocides, organisation québécoise à laquelle est associé Moses Gashirabake, qui est membre du conseil d'administration.

Cette fondation, créée par la Montréalaise Heidi Berger, travaille depuis plusieurs années à sensibiliser les jeunes dans les écoles du Québec. Parallèlement, elle milite pour que nos élus rendent obligatoire l'étude des génocides dans nos écoles et offrent un meilleur encadrement aux enseignants.

Alors que des génocides et des crimes contre l'humanité sont encore commis impunément, que les crimes haineux sont en hausse dans nos sociétés occidentales et que les réseaux sociaux se transforment trop souvent en marais nauséabonds d'où éructent des commentaires hostiles, on ne peut que saluer ces efforts visant à expliquer les génocides aux adultes de demain.

« C'est important pour les élèves de développer leur jugement et leur esprit critique afin de pouvoir comprendre le racisme et l'intolérance, mais aussi de reconnaître la propagande raciste et haineuse en ligne pour empêcher la radicalisation », souligne Heidi Berger. Dans l'état actuel des choses, comment lui donner tort ?

Si les connaissances sur la tragédie rwandaise, l'Holocauste et les autres génocides demeurent déficientes, comment peut-on penser que les prochaines générations vont pouvoir tirer des leçons de ces atrocités ?

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