L'espérance de vie a continué de chuter aux États-Unis en 2017, pour une troisième année de suite. C'est à la fois un drame pour le pays de Donald Trump et un avertissement pour le Canada.

Les États-Unis perdent « trop d'Américains, trop tôt et trop souvent, dans des circonstances évitables », a déploré le directeur du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, le docteur Robert Redfield. C'est lui qui, le premier, a sonné l'alarme à la suite de la diffusion des plus récentes statistiques sur l'espérance de vie chez nos voisins du Sud. De 78,9 ans en 2014, elle est passée à 78,6 ans en 2017.

Quand on met ces chiffres en perspective, le phénomène est encore plus troublant.

La dernière fois qu'on a fait face à une baisse aussi prolongée de l'espérance de vie, c'était au début du siècle dernier.

Comme l'ont rappelé les médias américains, le pays était alors aux prises avec la grippe espagnole et avait perdu de nombreux soldats en Europe, où la Première Guerre mondiale faisait rage.

Pensons-y : la première puissance mondiale est en train de régresser, alors que l'espérance de vie continue généralement de grimper dans les autres pays développés et que certains repoussent même les limites de la longévité.

On a rapporté avec raison que la crise des opioïdes et les suicides étaient des facteurs liés à cette baisse de l'espérance de vie. Il y a eu plus de 70 000 surdoses mortelles l'an dernier aux États-Unis, un triste record, et plus de 47 000 suicides. Notons ici que l'omniprésence des armes à feu sur le sol américain peut être montrée du doigt : sept suicides sur dix ont été commis avec une arme à feu.

Ces deux problèmes sont extrêmement sérieux. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'ils sont les seuls responsables du déclin de l'espérance de vie. Un groupe de chercheurs américains a récemment analysé la mortalité chez les adultes de 25 à 64 ans et a évoqué des « causes profondes et systémiques » dont il faut tenir compte. Elles sont à la source d'un « handicap américain en matière de santé », lit-on dans leur article. L'expression est tirée d'un rapport, publié il y a cinq ans, où l'on comparait la santé aux États-Unis et dans d'autres pays développés.

Selon le chercheur principal, le docteur Steven H. Woolf, les causes profondes vont des comportements en matière de santé aux conditions environnementales en passant, bien sûr, par les lacunes du système de santé, les inégalités socioéconomiques et les politiques publiques qui accentuent les problèmes au lieu d'y remédier.

D'ailleurs, une experte comme Marie-France Raynault, qui dirige le Centre de recherche Léa-Roback sur les inégalités sociales de santé de Montréal, n'est pas surprise le moins du monde par ce qui se passe au pays de Donald Trump. « Plus il y a d'inégalités sociales, plus il y aura d'inégalités en santé et plus l'espérance de vie va se détériorer », explique-t-elle.

Quand on se compare, on se console ? C'est vrai, mais restons prudents.

L'espérance de vie a commencé à chuter en Colombie-Britannique en raison des ravages des opioïdes, a signalé récemment l'administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam.

Et si les inégalités ne sont pas aussi criantes au Canada qu'aux États-Unis, le fait est qu'elles continuent de se creuser. Les efforts pour inverser cette tendance ne sont visiblement pas assez substantiels ici non plus. Nos décideurs auraient pourtant tout avantage à tirer des leçons des erreurs américaines.

Aux États-Unis (2017)

Espérance de vie 78,6 ans

Hommes 76,1 ans

Femmes 81,1 ans

Source : CDC/National Center for Health Statistics

Au Canada (2014 à 2016)

Espérance de vie 82 ans

Hommes 79,9

Femmes 84

Source : Statistique Canada

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