Qui se souvient qu'il y a eu une autre tuerie dans une école aux États-Unis il y a 10 jours? Dix morts, treize blessés et... pfft! Le pays au grand complet, de la Californie au Maine, est passé à un autre appel.

C'est certainement, en partie, parce qu'elle a eu lieu au Texas. Les armes à feu font partie du quotidien de bon nombre de citoyens de cet État. C'est aussi, entre autres, parce que le jugement de certains acteurs influents qui ont pris la parole après le drame a été sans appel : les armes à feu n'ont rien à voir avec cette tragédie.

Prenez le lieutenant gouverneur du Texas, Dan Patrick. Tout de suite après la tuerie, il a estimé qu'il faudrait peut-être... revoir le nombre de portes dans les écoles du Texas! La logique - absurde - est qu'on réussirait à éviter de tels drames puisqu'il serait possible de déployer des agents de sécurité armés devant chacune des portes des 8000 établissements scolaires de l'État.

Vraiment, on a parfois l'impression, dans le débat sur les armes à feu aux États-Unis, que les fous ont pris le contrôle de l'asile...

Quarante-huit heures après la tragédie, le même Dan Patrick était interviewé par le journaliste George Stephanopoulos du réseau ABC. Il en a rajouté. «Nous avons dévalué la vie, que ce soit à cause de l'avortement, à cause de l'éclatement des familles, à cause des films violents et, particulièrement, des jeux vidéo violents, qui se vendent maintenant davantage que les films et la musique.»

On ne parle pas ici d'un porte-parole de la National Rifle Association (la toute puissante NRA) ni d'un des ténors de Fox News. Et encore moins d'un hurluberlu ultraconservateur comme Alex Jones. On parle du lieutenant gouverneur de l'État qui est considéré à l'heure actuelle comme le politicien le plus puissant du Texas.

La recherche de solutions? Les séances d'introspection? La mobilisation? Pfft!

Le gouverneur de l'État, Greg Abbott, a pour sa part annoncé qu'il organiserait des discussions dans le but de prévenir d'éventuelles tueries dans les écoles. Mais le scepticisme est de mise. Il a lui aussi une réputation de fier défenseur du deuxième amendement de la Constitution américaine - celui qui garantit le droit de posséder une arme à feu.

L'hypocrisie délibérée du raisonnement de Dan Patrick est exactement celle qui, depuis des années, est mise de l'avant par la NRA. Oliver North, le nouveau président de l'organisation, a d'ailleurs lui aussi dénoncé la «culture où la violence est répandue» à la suite de la tuerie au Texas.

Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas parler des vrais problèmes : l'omniprésence des armes à feu et la facilité avec laquelle la plupart des Américains peuvent en faire l'acquisition. Même dans le cas des fusils d'assaut.

La mauvaise foi de ceux qui s'opposent à un meilleur contrôle des armes à feu n'est pas seulement scandaleuse. Elle constitue aussi un problème majeur. En effet, comment soigner une maladie qui a été mal diagnostiquée?

Un meilleur contrôle des armes à feu ne fera pas cesser les tueries ni chuter le nombre de meurtres et de suicides du jour au lendemain. D'ailleurs, la récente tuerie au Texas aurait probablement eu lieu même si les armes d'assaut étaient interdites en sol américain et si les antécédents des acheteurs étaient passés au peigne fin. Le jeune suspect (17 ans) a, dit-on, utilisé le fusil de chasse de son père pour commettre son crime et non un fusil semi-automatique qu'il avait lui-même acheté.

Il reste que cette tuerie s'ajoute à la longue liste de celles qui, elles, se produisent parce que le pays fait preuve d'une nonchalance hallucinante quant aux armes à feu. Et dans l'état actuel des choses, cette longue liste n'a hélas pas fini de s'allonger.

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