Il y a quelques années, le réputé chroniqueur du New York Times Thomas Friedman s'est rendu en Chine pour comprendre pourquoi les élèves des écoles de Shanghai sont dorénavant parmi les meilleurs du monde.

On lui a expliqué que le milieu scolaire avait réuni bon nombre de conditions gagnantes évoquées par les experts. La formation continue des professeurs et la mobilisation des directions des écoles, par exemple. Mais il a aussi découvert une autre raison fondamentale de la réussite des jeunes : «la participation active des parents dans l'apprentissage».

Le célèbre journaliste n'avait pourtant pas à traverser l'océan pour s'en rendre compte. Il aurait tout simplement pu visiter... le Saguenay-Lac-Saint-Jean. La région a mis de l'avant une stratégie visant à lutter contre le décrochage qui met les parents, mais aussi la communauté au grand complet, au coeur des efforts déployés.

À la suite des recommandations de deux chercheurs (Michel Perron et Suzanne Veillette) et d'états généraux sur l'avenir de la région, on a créé le Conseil régional de prévention de l'abandon scolaire. Sa mission : mobiliser «la collectivité et ses leaders» pour qu'ils participent à la lutte contre le décrochage. «Parce que la persévérance scolaire, c'est l'affaire de tous!», clame l'organisme.

En pratique, ça signifie convaincre les parents de s'engager davantage en accompagnant et encourageant les jeunes. Et ça veut aussi dire se concerter avec les différents acteurs du milieu qui peuvent avoir un impact positif sur les élèves : des municipalités aux entreprises en passant par les organismes communautaires et les syndicats.

La bonne nouvelle? Ça marche! La région s'est hissée dans le top 3 pour ce qui est du taux de diplomation au Québec alors qu'elle se retrouvait auparavant dans la moyenne.

On a carrément constaté un changement de culture dans la région, estime l'actuelle directrice de l'organisme, Isabelle Auclair. Des sondages effectués auprès des jeunes apportent de l'eau à son moulin. On note par exemple que la proportion d'élèves du secondaire qui disent vouloir faire des études universitaires a bondi.

La période d'austérité des dernières années n'a hélas pas épargné l'organisme, qui est passé de huit employés à temps plein à trois employés à temps partiel en 2015. Ce qui prouve que même les initiatives les plus efficaces dans le domaine de l'éducation ne sont pas toujours à l'abri d'égarements des politiciens à Québec.

Heureusement, depuis de récents réinvestissements, il est en train de reprendre sa vitesse de croisière. Ce qui lui a permis de lancer de nouveaux projets et d'en consolider d'autres. On a ainsi décidé d'offrir un soutien particulier à des familles dont les parents n'ont pas fait d'études postsecondaires pour s'assurer que les enfants, eux, réussissent la transition entre le secondaire et le cégep. Et on travaille actuellement auprès d'une centaine d'entreprises pour qu'elles puissent favoriser la conciliation études-travail chez leurs employés et éviter qu'ils laissent tomber l'école.

Ne nous berçons pas d'illusions. Il ne s'agit pas d'une recette miracle. Il y a encore place à l'amélioration en ce qui concerne le décrochage partout au Québec, même au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Mais la stratégie déployée a fait ses preuves. Et elle a inspiré les autres régions du Québec. 

Tenez, on apprenait récemment que dans la région de Lanaudière, où il y avait déjà un Comité régional pour la valorisation de l'éducation similaire à celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on vient de créer une «grappe éducative» spécifiquement pour la MRC de Montcalm. Le spécialiste de la persévérance scolaire Égide Royer y est associé.

L'importance de ces initiatives inspirantes doit être reconnue et ébruitée. Elles ont fait leurs preuves. Elles doivent non seulement se poursuivre, mais s'intensifier (et Québec doit s'assurer de leur en donner les moyens). Car il reste encore du travail à faire pour convaincre tous les acteurs de la société québécoise qu'ils ont un rôle crucial à jouer en matière de lutte contre le décrochage.

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Taux de diplomation et de qualification au Québec (au secondaire)

80,1% : Élèves ayant obtenu diplôme ou qualification après sept ans (en 2015-2016).

76,3% : Élèves ayant obtenu diplôme ou qualification après six ans (en 2014-2015).

67,4% : Élèves ayant obtenu diplôme ou qualification après cinq ans (en 2013-2014).

Source: ministère de l'Éducation, pour la cohorte d'élèves qui se sont inscrits pour la première fois en 1re secondaire en 2009.

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