Donald Trump aurait dû se garder une petite gêne avant d'utiliser l'expression « Mission accomplie ! » à la suite des frappes en Syrie.

D'abord parce que ces deux mots apparaissent, dans l'histoire militaire américaine récente, comme une malédiction. Ils ont été utilisés par l'administration de George W. Bush deux mois après le début de la guerre en Irak, en 2003, soit juste avant que le pays ne sombre dans un chaos dont la région paie le prix encore aujourd'hui. C'est ce conflit qui a, entre autres, donné naissance au groupe État islamique. Il est important de ne pas l'oublier.

Ensuite, il est à la fois présomptueux et naïf de faire preuve d'un enthousiasme délirant à la suite de ces nouvelles frappes. La guerre en Syrie est loin d'être terminée et la liste des atrocités du régime de Bachar al-Assad va continuer de s'allonger. On peut prédire sans risque de se tromper qu'il y en aura d'autres. Beaucoup d'autres.

En fait, on ne peut même pas affirmer avec certitude que le régime n'utilisera plus d'armes chimiques contre son propre peuple. La preuve ultime étant que les premières frappes américaines d'avril 2017 n'ont pas été suffisantes pour l'en dissuader.

D'ailleurs, si le Pentagone a soutenu hier avoir porté « un sacré coup » au programme d'armes chimiques syrien, un général américain a eu l'honnêteté de reconnaître que la menace ne venait pas de disparaître comme par magie. « Je ne dis pas qu'ils ne seront pas capables de le reconstituer », a dit Kenneth McKenzie au sujet de ce programme.

Bref, il aurait été sage pour Donald Trump d'éviter de pavoiser.

Cela dit, il est difficile de reprocher à l'administration américaine d'avoir riposté. Tout comme il est difficile de reprocher au gouvernement canadien d'avoir soutenu cette opération militaire.

D'autant que ces représailles ont été orchestrées avec des alliés (la France et le Royaume-Uni) et que les frappes ont été limitées.

C'est exclusivement l'arsenal chimique syrien qui a été ciblé. Une centaine de missiles ont été lancés sur trois sites. 

Faire preuve d'une telle retenue était essentiel, car les risques d'escalade n'étaient pas à négliger. Il s'agissait d'un exercice d'équilibriste.

Il était impératif de faire comprendre au régime de Bachar al-Assad qu'il ne pouvait pas utiliser des armes chimiques impunément, comme il semble - le Pentagone dit en avoir la preuve - l'avoir fait une fois de plus le 7 avril à Douma.

Mais il était tout aussi fondamental de ne pas fragiliser le régime à outrance. La solution à ce conflit n'est pas militaire. Donald Trump a beau avoir traité récemment le dictateur syrien d'« animal », le renverser serait susceptible d'envenimer la crise, pas de la régler. C'est ce qui s'est passé en Libye en 2011 : incontestablement un exemple à ne pas suivre.

Par ailleurs, il fallait aussi éviter de provoquer inutilement la Russie et l'Iran, les deux précieux alliés de la Syrie. Ils n'ont pas été ciblés. Cette prudence démontre de toute évidence qu'il y a encore des « adultes » au sein de l'administration américaine, alors qu'on parle souvent de la Maison-Blanche comme d'une « garderie ». C'est rassurant.

Voyons voir maintenant si ces adultes pourront persuader le président qu'il est vital de contribuer à des efforts diplomatiques visant à trouver une solution au conflit. Jusqu'ici, la gestion de cette crise passe cent pieds par-dessus la tête de Donald Trump. Pourtant, si une chose est claire depuis le début, c'est qu'on ne va pas la résoudre en tirant quelques dizaines de missiles une fois par année, pour ensuite rester les bras croisés.

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