Malgré les imposantes manifestations de samedi, les politiciens au pouvoir à Washington ne semblent pas vouloir mieux encadrer la vente des armes à feu. Rassurons-nous : à Ottawa, c'est différent.

Le gouvernement de Justin Trudeau vient de déposer un projet de loi visant à resserrer le contrôle des armes à feu au pays. Bien évidemment, notre législation actuelle est en général plus stricte que ce qui a cours chez nos voisins du Sud. Mais c'est moins vrai qu'auparavant, car le gouvernement conservateur de Stephen Harper a travaillé fort pour la diluer lorsqu'il était au pouvoir.

Il n'a pas seulement aboli le registre des armes d'épaule, il a pris certaines autres initiatives moins remarquées, mais qui avaient le même objectif : atténuer l'impact de la Loi sur les armes à feu.

Des changements qui, par exemple, avaient éliminé l'obligation faite aux vendeurs d'armes à feu de vérifier si les acheteurs possédaient un permis valide pour les armes non restreintes (la majorité des armes vendues au Québec). Une autre modification permettait aux propriétaires d'armes à autorisation restreinte (comme bon nombre d'armes semi-automatiques) de les transporter dans leur véhicule, pratiquement presque partout où ils le souhaitaient.

Encore plus difficile à justifier, Stephen Harper avait décidé de politiser le processus par lequel les armes à feu sont classifiées au pays.

Avant son règne, il revenait à la GRC de décider à quelle catégorie appartenait chacune des armes en vente au pays. Les conservateurs, pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec la sécurité des Canadiens, ont décidé de s'approprier ce pouvoir.

Tel que promis en campagne électorale, le gouvernement Trudeau vient donc d'annoncer son intention d'infirmer - en tout ou en partie - ces décisions malavisées prises au cours de la dernière décennie. On ne peut que s'en réjouir. Mais plusieurs restent néanmoins sur leur faim. Avec raison.

Ceux qui militent, au Québec, pour un meilleur contrôle des armes à feu se disent déçus par le manque d'ambition du projet de loi libéral. On les comprend.

Car si le gouvernement de Justin Trudeau tente de réparer les dégâts faits par celui de Stephen Harper, il ne va pas beaucoup plus loin. Il innove en ce qui concerne l'examen des antécédents des futurs acheteurs d'armes à feu, permettant des vérifications qui vont au-delà des cinq années qui précèdent la demande de permis. C'est bien, mais ça aura un impact limité.

C'est comme si les libéraux se contentaient de réparer la maison endommagée par le propriétaire qui l'habitait avant eux, mais sans la rénover. On colmate les brèches, mais on n'améliore pas la structure. Pourtant, incontestablement, la Loi sur les armes à feu gagnerait à être modernisée.

Le groupe PolySeSouvient a par exemple démontré que les fabricants d'armes à feu font désormais preuve d'ingéniosité afin de contourner la loi. Ils modifient légèrement leurs armes d'assaut pour éviter de les voir tomber dans la catégorie «autorisation restreinte», dont la vente est nettement mieux encadrée (il est plus difficile d'obtenir un permis pour en acheter) que celle des armes dites «sans restriction». N'est-il pas temps de revoir ces catégories?

Le groupe reproche par ailleurs au gouvernement libéral de n'avoir rien proposé dans le but de faire diminuer le nombre d'armes d'assaut en circulation au Canada.

On voit mal, en effet, comment les changements annoncés par Ottawa permettront de «débarrasser nos rues des armes de poing et des armes d'assaut», tel que promis par les libéraux en campagne électorale. Si c'est véritablement leur objectif, ils n'ont qu'une seule et unique option : bonifier leur projet de loi.

***LES TROIS TYPES D'ARMES À FEU AU PAYS

Armes à feu prohibées : Certaines armes de poing, les armes à feu entièrement automatiques et les carabines ou fusils de chasse à canon scié.

Armes à feu à autorisation restreinte : Les armes de poing, certaines carabines et armes semi-automatiques.

Armes à feu sans restriction : les carabines et les fusils de chasse courants.

Source : Sécurité publique Canada

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