Qui, aux États-Unis, a le plus à perdre si Donald Trump tente de pulvériser l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)?

La vie est parfois ironique : ce sont les électeurs du président américain qui sont les plus susceptibles d'en pâtir. C'est ce que vient de souligner la Chambre de commerce des États-Unis, qui a dressé la liste des 12 États pour qui l'ALENA est un accord particulièrement avantageux.

On parle ici d'États qui exportent pour plusieurs milliards de dollars au Canada et au Mexique. Des États où bon nombre d'emplois seront menacés si le président décidait de se retirer de l'entente commerciale.

Les chiffres sont saisissants. La valeur des exportations du Texas vers le Canada l'an dernier, par exemple, a été de 112 milliards de dollars américains. Et il y a actuellement dans cet État 970 000 emplois en lien avec l'ALENA.

La publication de ces chiffres survient alors que se déroule, au Mexique, la cinquième ronde des négociations sur la «modernisation» de l'ALENA et qu'on annonce que la suivante aura lieu à Montréal.

L'initiative de la Chambre de commerce des États-Unis est une bonne nouvelle pour deux raisons.

Premièrement, ces statistiques donnent des munitions à ceux qui, sur le sol américain, souhaitent prouver au président et à ses électeurs qu'ils jouent à un jeu dangereux en souhaitant ouvertement la mort de l'entente commerciale. Pour garder la tête froide, mieux vaut se fier à la réalité plutôt qu'à des mythes... comme le fait que les Américains se font arnaquer par leurs voisins depuis la signature de l'ALENA.

Deuxièmement, leur diffusion confirme qu'on assiste aux États-Unis, depuis quelques semaines, à une contre-attaque de la part du monde des affaires et de plusieurs politiciens (incluant le sénateur du Texas et ancien candidat à l'investiture républicaine Ted Cruz). Il était temps!

Ceux-ci ont enfin répondu aux appels du pied de leurs homologues canadiens qui, depuis plusieurs mois, triment dur pour les convaincre de se mobiliser. Objectif : faire entendre raison au président américain et aux membres les plus protectionnistes de son entourage.

Les Américains qui veulent assurer la survie de l'ALENA ont aussi très certainement été ébranlés par l'animosité manifestée par les négociateurs américains lors de la 4e ronde des pourparlers, en octobre. Ceux-ci ont présenté plusieurs demandes jugées inacceptables, tant par le Canada que par le Mexique. Notamment en ce qui concerne les règles d'origine dans le secteur automobile.

Depuis, ceux qui sont en faveur de l'accord au pays de Donald Trump font ce que l'équipage du Titanic aurait dû faire en apercevant l'iceberg : tout mettre en oeuvre pour l'éviter. 

Leur dynamisme est, d'une certaine façon, rassurant. Parce que ça signifie que le Canada et le Mexique ne sont plus seuls à travailler fort dans les coins de la patinoire pour éviter le naufrage.

Mais la partie n'est pas gagnée pour autant. Pour l'instant, Donald Trump est en mal de victoires politiques retentissantes. Et il aime répéter que l'ALENA est le «pire accord commercial jamais conclu».

S'il ne s'en débarrasse pas, il aura des comptes à rendre à certains de ses électeurs. Ceux-ci ne se rendent pas encore compte du danger qui les guette si l'entente commerciale est anéantie.

Par conséquent, si le président la saborde, ce sera pour lui un succès politique immédiat. Il dira qu'il a fait passer, tel que promis, «l'Amérique d'abord».

C'est pourquoi tous ceux qui croient en cette entente, aux États-Unis, ont tout avantage à se faire entendre. À expliquer, quitte à se répéter, que le protectionnisme de Donald Trump ne menace pas uniquement ses voisins. Il représente aussi un danger pour l'économie américaine.

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