Les révélations contenues dans les Paradise Papers et diffusées au cours des derniers jours dans les médias sont captivantes. Elles se lisent presque comme un roman... qui finit mal.

Car ceux qui luttent contre l'évasion fiscale ne gagnent pas la partie. Ils sont dupés par les pirouettes de ceux qui refusent de payer leur juste part d'impôts.

Les sociétés et les particuliers cités dans ces millions de pages de documents confidentiels sont nombreux. On y trouve des entreprises comme Apple et Nike. On y trouve aussi des particuliers, du Montréalais Stephen Bronfman - qui nie avoir déjà utilisé une fiducie offshore - à la reine d'Angleterre.

Selon le journal Le Monde, dont les journalistes font partie du consortium qui a enquêté à ce sujet, on parle d'un manque à gagner pour les États de plus de 500 milliards de dollars canadiens chaque année. C'est aberrant. Et intolérable.

Le quotidien cite à ce sujet les travaux du professeur d'économie Gabriel Zucman. Il a aussi estimé que 40 % des profits des multinationales se retrouvent dans des paradis fiscaux.

Les stratagèmes créatifs imaginés par les conseillers des entreprises et des particuliers ne sont pas toujours illégaux. Mais même lorsqu'ils respectent les lois, ils sont moralement injustifiables.

Un exemple parmi tant d'autres : le fabricant d'articles de sport Nike concentre aux Pays-Bas les profits qu'il fait partout en Europe et, ensuite, « se paie à lui-même le droit d'utiliser sa marque » afin de soustraire des sommes colossales au fisc. C'est légal. Mais c'est aussi, sans l'ombre d'un doute, amoral.

Le gouvernement canadien, par la force des choses, a compris qu'il ne pouvait plus se tourner les pouces dans ce dossier explosif. Il dit avoir injecté récemment 1 milliard de dollars pour permettre à l'Agence du revenu du Canada (ARC) de mieux lutter contre ces abus. Celle-ci soutient (sans toutefois offrir de détails) avoir récupéré pas moins de 25 milliards en deux ans, provenant en grande partie de multinationales délinquantes.

Plusieurs entretiennent toutefois encore des doutes sur la volonté politique manifestée à Ottawa dans ce dossier, y compris sur la combativité de l'ARC. Elle aurait d'ailleurs dépensé jusqu'ici moins de 40 millions du milliard alloué dans ce dossier.

Notons qu'Ottawa a aussi signé, en juin dernier, la convention de l'OCDE sur « l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) ». En vertu de cet accord, plusieurs dizaines de pays prennent des mesures notamment pour empêcher les entreprises de transférer de façon artificielle leurs revenus dans des paradis fiscaux.

C'est une excellente nouvelle. Mais l'efficacité de ces mesures reste à prouver ; les auteurs des stratagèmes les plus diaboliques n'ont pas dit leur dernier mot.

Les révélations des Paradise Papers ne font que confirmer ce qu'on savait déjà : la situation actuelle est intenable et la lutte doit être menée avec autant de vigueur que d'aplomb.

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