Il en aura pris du temps, le gouvernement de Justin Trudeau, avant de réaliser une de ses plus importantes promesses : la refonte de la loi antiterroriste adoptée sous son prédécesseur, Stephen Harper.

Il a amplement consulté - au risque de se faire accuser de se traîner les pieds - et visiblement beaucoup réfléchi. Mais au final, on s'en rend compte aujourd'hui, ça valait la peine.

D'abord, le projet présenté mardi par le gouvernement libéral est substantiel. Des experts considèrent que les changements proposés sont les plus importants dans le domaine de la sécurité nationale au pays depuis le milieu des années 80. Un tel rattrapage était indispensable.

Ensuite, le projet de loi est, en général, à la hauteur des attentes.

Il permet de remédier à certaines faiblesses de la loi du gouvernement Harper sans entraver le travail de ceux qui, au pays, luttent contre le terrorisme.

Le projet de loi, long de quelque 150 pages, ne se résume pas aisément. Rappelons brièvement que les conservateurs avaient, entre autres, accru les pouvoirs du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). lls avaient aussi facilité les échanges de renseignements au sein des institutions fédérales lorsque la sécurité nationale est invoquée.

En revanche, ils n'avaient pas accentué la surveillance des activités de renseignement même si on savait qu'elle était déficiente. Plusieurs, y compris divers commissaires fédéraux qui tentaient tant bien que mal de procéder à cet examen, estimaient que les libertés individuelles des citoyens étaient menacées.

Pour renverser la vapeur, les libéraux ont conçu leur projet de loi avec en main un exemplaire de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils souhaitent par exemple que le SCRS soit forcé d'obtenir un mandat « avant de prendre des mesures qui limiteraient un droit ou une liberté garanti par la Charte ». Ils veulent aussi mieux encadrer les activités de ses agents (leurs pouvoirs ayant été élargis sous Harper), spécifiant que certains comportements, dont la torture, sont interdits.

L'histoire démontre que, même encadrés, les services de renseignement ne sont pas à l'abri des dérives, mais mieux définir leur marge de manoeuvre était néanmoins essentiel.

Tout comme l'était un effort pour accroître l'obligation de rendre des comptes des tous ceux qui travaillent dans le domaine du renseignement. D'autant plus que certains, comme l'Agence des services frontaliers, n'avaient de comptes à rendre à personne en la matière. Le projet de loi vise à atteindre cet objectif et c'est aussi une très bonne nouvelle.

Il propose ainsi la création de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, mais aussi celle d'un poste de commissaire indépendant au renseignement. Voyons voir quelles ressources on leur allouerait, mais ne nous empêchons pas de souligner l'importance de ces changements annoncés.

Combattre le terrorisme en bafouant ses valeurs et ses principes est une très mauvaise idée, on l'a constaté chez nos voisins américains lorsque George W. Bush était président. Le projet de loi libéral reflète le désir d'éviter ce piège. Et de lutter contre le terrorisme, en somme, sans vendre son âme.

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