Il y a vraiment quelque chose de pourri aux États-Unis.

Tout semble indiquer que l'auteur de la fusillade en Virginie hier avait décidé de s'en prendre à des politiciens républicains. Le geste a été fermement condamné, avec raison. En revanche, un acte d'une telle violence à l'égard d'élus américains n'a pas semblé surprendre outre mesure.

Que personne ne s'en étonne est épouvantable... mais compréhensible. Pour au moins deux raisons.

Premièrement en raison du nombre d'armes à feu en circulation et de la facilité avec laquelle il est possible de s'en procurer. C'est une évidence qui nous saute aux yeux à la suite de chaque fusillade. Souvent, donc. Trop souvent...

Ensuite en raison de la multiplication et de l'intensification des discours haineux à l'égard des politiciens. Une tendance qui a atteint son paroxysme grâce au web. Notamment par les réseaux sociaux, qui offrent la possibilité à tout un chacun de distiller du venin en public.

À la toute fin de la plus récente course à la Maison-Blanche, le correspondant américain du Financial Times, Edward Luce, a manifesté son désarroi face à ce phénomène. «C'est l'année où la retenue semble avoir disparu. Le lien du respect mutuel, si vital à toute société libre, s'est rompu», a-t-il écrit en novembre dernier.

Cet observateur aguerri des États-Unis faisait remarquer que l'ère où les Américains tentaient de persuader ceux qui ne pensent pas comme eux est révolue. Désormais, ils «vous crachent leurs opinions en plein visage» ou vous insultent. «Plus il y a de retweets, mieux c'est.»

L'omniprésence des mensonges sur le web rend le cocktail d'autant plus explosif. Des fabulations immondes au sujet des politiciens qui vous déplaisent peuvent maintenant devenir virales. Et des gens vont y croire.

Souvenez-vous comment Hillary Clinton et le chef de sa campagne, John Podesta, ont été accusés l'an dernier de diriger un réseau pédophile. Les auteurs de cette imposture ont même soutenu qu'un restaurant à Washington était au coeur de ce trafic d'enfants. Résultat : en décembre, un homme a fait irruption dans cet établissement avec un fusil d'assaut. Il a été arrêté, Dieu merci, après avoir fait feu sans faire de victime.

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Diaboliser le gouvernement et ses représentants est une pratique qui ne date pas d'hier.

La plus importante attaque terroriste aux États-Unis avant les attentats du 11 septembre 2001 a d'ailleurs été le résultat de cette diabolisation. À Oklahoma City, en avril 1995, deux terroristes ont fait sauter un édifice fédéral, tuant 168 personnes. Ils étaient persuadés qu'ils défendaient «la Constitution américaine».

Bill Clinton, qui était président à l'époque, a été bouleversé par l'événement. Il s'est par la suite exprimé de façon éloquente, plusieurs fois, au sujet des leçons à tirer de cette tragédie.

«Nous sommes plus connectés que jamais auparavant, plus aptes à répandre nos idées et nos croyances, nos colères et nos peurs, écrivait-il dans le New York Times 15 ans plus tard. Quand nous exerçons notre droit à défendre nos points de vue, quand nous dynamisons nos partisans, nous devons tous assumer la responsabilité de nos mots et de nos gestes avant qu'ils entrent dans une vaste chambre d'écho et atteignent ceux qui sont à la fois sérieux et délirants, connectés et déséquilibrés.»

Donald Trump et plusieurs politiciens au Congrès américain ont fait écho, hier, à ces sages propos. Ils ont lancé un vibrant appel à l'unité. Tant mieux s'il est entendu.

Mais vous nous permettrez d'en douter. Car la haine semble en train de devenir un instrument politique comme un autre. Et l'actuel président américain est l'un des politiciens qui insultent ses rivaux avec le plus de fougue et le moins de pudeur. Certains de ses opposants ne donnent pas non plus dans la dentelle.

Ajoutez à ça le fait que la société est hautement polarisée et vous voyez mal, hélas, qui pourrait freiner (et comment?) le pourrissement de cette situation inquiétante.

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