De nombreux Américains cherchent à tourner pour de bon la page sur le lourd héritage de l'esclavage. Entre autres en se débarrassant des symboles associés à ce passé sordide. On vient de le constater à La Nouvelle-Orléans, ville où le maire est aux antipodes du président des États-Unis qui, lui, préfère flirter avec le racisme.

Des Américains ont mis des masques et des gilets pare-balles pour déboulonner une statue ? C'était à l'occasion du Mardi gras ?

Pas du tout. Ça s'est produit à quelques reprises au cours des dernières semaines à La Nouvelle-Orléans. Et ça n'avait rien à voir avec ce carnaval qui fait la renommée de la ville. On y célèbre autre chose : le retrait de quatre monuments commémorant la Confédération. Incluant trois statues, dont celle du chef des armées des États confédérés, Robert E. Lee. Des citoyens ont le coeur à la fête, avec raison. Car pour beaucoup, ces monuments étaient des symboles du racisme et de la ségrégation. D'autres Américains, cependant, sont en colère. Certains ont proféré des menaces de mort, d'où les masques et gilets pare-balles portés par ceux qui ont retiré les monuments.

Des menaces de mort, vraiment ?

Même si la guerre civile s'est terminée il y a plus de 150 ans, son héritage provoque encore des psychodrames. Les États confédérés, rappelons-le, s'étaient rebellés après l'élection d'Abraham Lincoln, président républicain qui souhaitait mettre fin à l'esclavage. Ils ont été vaincus. Plusieurs n'ont pas digéré cette défaite. Au fil des ans, de nombreux monuments ont été érigés dans tout le pays. Il y en aurait au minimum 700, répartis à travers près des deux tiers des 50 États.

Se débarrasser de ces monuments, n'est-ce pas tenter de réécrire l'histoire ?

L'idée n'est pas d'effacer toute trace de cette histoire. Ça n'a donc rien à voir avec du révisionnisme historique. Personne ne dit que ces monuments n'ont pas leur place dans un musée, par exemple. Ceux de La Nouvelle-Orléans seront d'ailleurs déplacés à un endroit qui reste à déterminer. L'objectif est plutôt de cesser de « glorifier la Confédération et perpétuer l'idée de la suprématie blanche », a expliqué le maire de La Nouvelle-Orléans, Mitch Landrieu. Sa mission est noble et ses propos sont honnêtes. Ceux qui affirment que ces monuments n'ont absolument rien à voir avec la ségrégation font preuve d'une vile hypocrisie.

N'y a-t-il pas des Américains qui glorifient aussi la Confédération en exhibant fièrement son drapeau ?

Absolument. Cette année, ce sont surtout les monuments qui font la manchette. Mais au cours des deux dernières années, c'est plutôt le drapeau confédéré qui était au centre des discussions. Tout particulièrement à la suite de la tuerie raciste dans une église de la Caroline du Sud en 2015. Le tueur, Dylan Roof, s'était fait prendre en photo à plusieurs reprises devant ce drapeau. Il a exhibé ces photos sur son site web. Instantanément, les Américains qui faisaient semblant de ne pas se rendre compte à quel point ce drapeau était, pour certains, un symbole de haine, ont dû cesser de jouer à l'autruche.

Un drapeau confédéré se trouvait devant le parlement de la Caroline du Sud, non ?

C'est difficile à croire, mais c'est rigoureusement exact. Les élus avaient d'abord hissé ce drapeau sur le toit du parlement au début des années 60. Le moment choisi était tout sauf anodin. C'était l'époque de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis. C'était de la part des élus un geste de défiance et de provocation. Ils l'ont par la suite placé bien en évidence devant l'édifice. En 2015, après la tuerie raciste de Dylan Roof, il a été retiré pour de bon. Il était temps.

À voir les discours tenus par certains politiciens, on aurait pu croire que les Américains devenaient de plus en plus intolérants...

On l'a dit : Donald Trump alimente l'intolérance depuis plusieurs mois. Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'il rame à contre-courant. Le recul des symboles ségrégationnistes sur le sol américain en est la preuve.

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