L'auteur du livre Le monde selon Garp n'aime pas le monde selon Trump.

Le romancier américain John Irving reproche à Donald Trump, dans un article qui vient d'être publié par le Hollywood Reporter, son intolérance.

Il estime que le droit à l'avortement et les droits de la communauté LGBT sont menacés par la nouvelle administration américaine. Il dénonce aussi les politiques du président républicain en matière d'immigration.

Cette sortie publique du populaire romancier survient à quelques jours de la cérémonie des Oscars. C'est voulu. Dans son texte, il dit espérer que les artistes récompensés dimanche n'hésiteront pas à dire ce qu'ils pensent du monde selon Trump.

« Peu importe quel est - ou quel était - le protocole des discours de remerciement des Oscars, la communauté des créateurs a une obligation : ne pas tolérer l'intolérance », a-t-il écrit.

John Irving a déjà prêché par l'exemple. Il a gagné un Oscar en l'an 2000, après avoir adapté pour le cinéma son roman L'oeuvre de Dieu, la part du Diable. Sur scène, il avait rendu hommage à ceux qui défendent le droit à l'avortement. Le film raconte l'histoire d'un médecin américain qui, envers et contre tous, pratique des avortements.

John Irving n'oblige pas les futurs lauréats à l'imiter. « Ce que je dis, c'est que si quelqu'un a quelque chose de politique à dire, il doit se sentir libre de le dire », explique-t-il. Même s'il s'agit d'un « partisan de Trump ».

On sait déjà que Donald Trump ne regardera pas la cérémonie. On sait aussi que bon nombre de ses partisans (66 %) disent changer de chaîne dès qu'un artiste fait part sur scène de ses « opinions politiques ».

On sait, enfin, que les discours des vedettes d'Hollywood, seuls, ont probablement un impact limité sur les républicains purs et durs.

Ceux qui déversent leur fiel, depuis longtemps, sur les vedettes de l'industrie du cinéma. Et qui, pourtant, viennent de porter au pouvoir la vedette d'une émission de téléréalité !

Les mises en garde d'Hollywood au sujet des périls qui guettent les Américains ne seront toutefois pas superflues. Pas, du moins, si elles sont subtiles, faites avec tact et peut-être même avec une touche d'humour.

Car elles s'ajouteront à la longue liste des critiques lucides et des objections éclairées formulées au cours des derniers mois. Une liste qui a forcément un impact. Il suffit de constater que plus elle s'allonge, plus le taux d'approbation à l'égard de Donald Trump plonge.

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L'appel lancé par John Irving évoque ce qu'a déjà dit Bruce Springsteen au sujet du rôle des chanteurs. Rôle comparable, selon lui, à celui des « canaris dans les mines », qui prévenaient les travailleurs lorsqu'ils étaient en danger.

« Quand tombe l'obscurité, vous êtes censé chanter. En ce moment, il fait sombre. L'idée de l'Amérique est une idée magnifique. On doit la préserver, la servir, la protéger et la chanter », a-t-il déclaré il y a quelques années. George W. Bush était alors président.

À ces réflexions, il faut ajouter celles d'Albert Camus. Pour un artiste, s'abstenir de prendre position va de toute façon être considéré comme une prise de position, pensait-il. « Il ne s'agit pas en effet pour l'artiste d'un engagement volontaire, mais plutôt d'un service militaire obligatoire. Tout artiste aujourd'hui est embarqué dans la galère de son temps. »

La galère de son temps... Quelle galère, de nos jours ! Et quel sale temps ! Le rapport annuel d'Amnistie internationale, qui prend habituellement avec justesse le pouls de la planète, le soulignait cette semaine.

Un temps où « l'utilisation cynique » de discours « rejetant la faute sur les "autres" et distillant la peur et la haine a atteint des niveaux inégalés depuis les années 30 ».

Un temps où, par ailleurs, le vénérable Washington Post vient de faire écho aux inquiétudes de Bruce Springsteen en adoptant officiellement le slogan :  « la démocratie meurt dans l'obscurité ».

Un temps où, immanquablement, artistes et journalistes figurent parmi ceux qui sont aux premières loges. Ceux qui doivent parler, écrire ou même chanter afin que personne ne soit forcé d'avancer dans l'obscurité.

Photo DON EMMERT, Agence France Presse, Photomontage La Presse

Même si le président Donald Trump ne regardera pas la cérémonie des Oscars, les artistes qui y participeront ne doivent pas se priver de partager leurs opinions politiques, selon notre éditorialiste.

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