David n'a pas été terrassé par Goliath, hier, à Washington. Il l'a plutôt amadoué. Et rassuré.

Justin Trudeau s'est glissé à merveille dans le rôle d'un David qui n'a pas froid aux yeux, mais qui évite néanmoins de froisser un Goliath (Donald Trump) assagi.

Le premier ministre canadien n'a pas eu droit à l'accueil que lui avait récemment réservé Barack Obama. Il a tout de même été traité comme un ami et non comme un casse-pieds. C'est déjà beaucoup.

Ce faisant, il a évité le traitement réservé ces dernières semaines par le président américain à son homologue mexicain ou au premier ministre australien.

Justin Trudeau a donc probablement poussé un immense soupir de soulagement en quittant Washington hier. Avec raison.

Parce qu'en plus de l'accueil cordial à la Maison-Blanche, il a visiblement été capable de faire passer un message fondamental au président et à son entourage : la relation commerciale entre les deux pays est aussi avantageuse pour les Américains que pour les Canadiens.

On l'a compris lorsque Donald Trump a répondu, lors d'une conférence de presse, à une question au sujet de l'accord de libre-échange nord-américain : «Nous avons une relation exceptionnelle avec le Canada. Nous allons faire des ajustements.»

Il s'agissait de propos franchement modérés, de la part d'un politicien qui a déjà promis de «déchirer» l'entente s'il n'obtenait pas ce qu'il voulait lors des négociations à venir.

Du même coup, il a déclaré que «la situation est bien moins grave» avec le Canada qu'avec le Mexique.

Ça signifie que le message martelé par l'équipe de Justin Trudeau depuis plusieurs semaines, et répété hier publiquement par le premier ministre à Washington, a été entendu.

«Des millions de bons emplois pour la classe moyenne aux États-Unis dépendent aussi de ces bons liens économiques entre les deux pays», a expliqué le premier ministre, précisant que le Canada est le principal marché d'exportation pour 35 États américains.

De quoi impressionner un homme d'affaires qui a été élu en promettant de doper la création d'emplois. Et qui ne veut surtout pas risquer d'en détruire.

Sur la question de l'immigration et des réfugiés, on a bien sûr senti que les deux politiciens marchaient sur des oeufs. Justin Trudeau a eu raison de rappeler les politiques et les valeurs du Canada en la matière. Il a aussi eu raison de faire preuve de diplomatie en affirmant que les Canadiens ne souhaitaient pas qu'il «fasse la leçon» aux Américains à ce sujet.

Indiscutablement, si la délégation canadienne (cinq ministres étaient aussi à Washington hier) peut aujourd'hui dire «mission accomplie», c'est que la visite d'hier avait été réglée minutieusement.

Brillante idée, notamment, que celle de proposer la mise sur pied d'un «Conseil canado-américain» pour l'avancement des femmes dans le monde des affaires. Cela répondait à la fois à un besoin réel et aux préoccupations d'une des filles du président, Ivanka.

Donald Trump avait l'air ravi de cette initiative.

Rien n'avait donc été laissé au hasard par l'entourage de Justin Trudeau. C'est rassurant pour au moins trois raisons.

Ça démontre qu'il est bien entouré. Ça prouve qu'établir une bonne relation avec l'administration Trump est considéré comme une priorité. Et c'est de bon augurepour la suite des choses, même si, face à ce président imprévisible et caractériel, Ottawa ne doit rien tenir pour acquis.

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