À quelque chose malheur est bon : la vente d'équipement militaire à l'Arabie saoudite par une entreprise canadienne aura ouvert un débat ô combien nécessaire sur la façon dont Ottawa encadre l'exportation d'armes.

Il y a quelques mois, le gouvernement libéral a approuvé la transaction, d'une valeur de 15 milliards, conclue sous les conservateurs. Ce faisant, il a soulevé les passions pour un enjeu qui ne fait généralement pas les manchettes.

On en a encore eu la preuve cette semaine. Le bureau du ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion a demandé à la GRC de se pencher sur la vente d'équipement militaire au Soudan par une entreprise dont le propriétaire est canadien, a-t-on appris. La même entreprise était déjà dans la ligne de mire des autorités pour des exportations vers la Libye.

La GRC doit décider si ces transactions feront l'objet d'une enquête.

Streit Group, l'entreprise en question, a été montrée du doigt par des experts de l'ONU en début d'année. Ils lui reprochent d'avoir violé l'embargo interdisant la vente d'armes à la Libye. Elle a aussi vendu des véhicules militaires au Soudan, rapportait le quotidien The Globe and Mail, alors que des sanctions adoptées par Ottawa empêchent tout « Canadien », même « à l'extérieur du Canada » de conclure de telles transactions.

Le cas est complexe. Ces véhicules ont été conçus aux Émirats arabes unis, où l'entreprise a une usine (elle en a une autre au Canada, où elle a été fondée). Son propriétaire habite ce petit État du Moyen-Orient, d'où l'équipement militaire a été expédié.

Streit Group se défend, par ailleurs, en soulignant que ce ne sont que des véhicules blindés qui sont exportés.

Le gouvernement mène actuellement des consultations « afin de voir comment notre régime d'exportation peut être plus rigoureux et plus transparent », nous a fait savoir le ministère des Affaires étrangères cette semaine.

Justin Trudeau a d'ailleurs promis que le Canada ratifiera le Traité sur le commerce des armes des Nations unies. Les pays signataires refusent d'exporter des armes qui pourraient servir, notamment, à « des attaques dirigées contre des civils ».

Le débat sur la question, au pays, est donc loin d'être terminé. C'est une excellente nouvelle.

Il faut, avec empressement, clarifier les règles du jeu et les rendre plus sévères. Il faudra ensuite s'engager, nettement plus fermement, à les respecter et à les faire respecter. Sans ambiguïté. En faisant preuve de plus de transparence.

L'objectif, explique-t-on publiquement, est de tenir compte des droits de la personne lorsque nous exportons des armes. Mais ne perdons pas de vue la question cruciale à la base de ce débat. Et n'ayons pas peur de la poser crûment : des civils peuvent-ils être blessés ou tués par de l'équipement militaire fait au Canada ou vendu par des Canadiens ?

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