C'est un séisme politique historique qui vient de frapper le Brésil à quatre mois des Jeux olympiques. Les députés ont franchi la première étape devant mener à une destitution de leur présidente, Dilma Rousseff.

Officiellement, elle est accusée de « maquillage des comptes publics ». Elle aurait, allègue-t-on, tenté de camoufler l'ampleur de l'essoufflement de l'État afin d'être réélue en 2014.

Mais en vérité, Dilma Rousseff, dont le taux de popularité oscille actuellement autour de 10 %, est la victime de tout ce qui ne tourne pas rond au Brésil. Un pays dont l'économie est gravement malade et ne donne aucun signe de prompt rétablissement.

À preuve : cet exercice particulièrement instructif mené hier par l'hebdomadaire The Economist. On y a compilé 60 des raisons mentionnées par les députés qui ont voté, dimanche, en faveur du processus de destitution de la présidente. Les accusations officielles à son égard n'ont pratiquement pas été mentionnées. En fait, les parlementaires ont dit tout et n'importe quoi.

« Pour toi, maman. »

« Pour le contrôle des armes à feu. »

« Pour les camionneurs. »

« Pour les docteurs brésiliens. »

Et ainsi de suite...

Comme quoi ceux qui s'opposent à cette tentative ont raison de dire que Dilma Rousseff fait figure de bouc émissaire. Et que ses rivaux conservateurs ont surtout trouvé une façon « institutionnelle » de s'en débarrasser avant le prochain scrutin.

Les alliés de Dilma Rousseff, d'ailleurs, dénoncent un « coup d'État institutionnel ». Les règles du jeu semblent pourtant avoir été suivies par les diverses institutions concernées. Mais ce qui est paradoxal - et déplorable -, c'est que bon nombre de ceux qui veulent sa tête sont des élus accusés de corruption.

Celui qui mène la charge, le président de la Chambre des députés Eduardo Cunha, est accusé d'avoir accepté des pots-de-vin d'une valeur de quelque 40 millions.

Le vice-président actuel fait aussi face à des accusations de corruption dans le cadre du même scandale, mettant en scène la plus grande entreprise du pays, Petrobras. C'est ce politicien qui prendrait la tête du pays si la présidente était destituée.

S'il y a une bonne nouvelle dans tout ça, c'est que la façon dont les problèmes actuels sont en train de se régler confirme les avancées de la démocratie et de l'État de droit au cours des dernières décennies.

Les enquêtes et inculpations d'un si grand nombre de politiciens pour corruption n'auraient pas été possibles si Dilma Rousseff et son prédécesseur, Lula, n'avaient pas réformé le système de justice et les forces policières pour leur donner à la fois plus d'indépendance et de crédibilité.

Dorénavant, plus personne n'est au-dessus des lois au Brésil, affirmait récemment Lula. « C'est le côté positif, a-t-il dit. Je pense que c'est très important et que ça nous permet de rêver qu'un jour (le Brésil) sera un pays sérieux. »

Cela ne doit pas changer. Même si Dilma Rousseff est destituée. Ses adversaires, une fois à la tête du pays, seront probablement tentés de se soustraire à la justice. Ce serait un recul scandaleux. Un tel retour en arrière serait bien plus sérieux et inexcusable que ce qu'on reproche actuellement à la présidente.

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