À l'été 2011, trois durs à cuire de la Ligue nationale de hockey sont morts : Derek Boogaard, Wade Belak et Rick Rypien. Le premier a fait une surdose. Les deux autres se sont suicidés.

Ils s'étaient tous les trois hissés jusqu'à la LNH grâce à leurs poings plus qu'à leur coup de patin. Ce qui a permis leur ascension, c'est que les bagarres auxquelles ils participaient faisaient - et c'est malheureusement toujours le cas - partie intégrante du spectacle offert par la ligue.

« Si la LNH avait travaillé plus fort pour éliminer les bagarres il y a une vingtaine d'années, la culture aurait-elle suffisamment changé pour empêcher la perte de ces trois vies cet été ? » Cette question dérangeante a, à l'époque, été posée par un journaliste du quotidien torontois The Globe and Mail.

Son article a fait réagir les responsables de la LNH, révèlent des échanges (troublants) de courriels rendus publics cette semaine dans le cadre d'une poursuite intentée par d'ex-joueurs.

On y apprend que ces dirigeants, lors de leurs discussions privées, admettaient déjà le lien entre les bagarres et de telles tragédies.

« Les bagarres augmentent la fréquence des blessures à la tête et des commotions cérébrales, ce qui augmente la fréquence des dépressions, ce qui augmente la fréquence des tragédies personnelles », a écrit le commissaire adjoint de la ligue, Bill Daly. Il donnait son avis à son patron, Gary Bettman, et à Brendan Shanahan, préfet de discipline.

Ce dernier, dans un autre échange, suggérait pour sa part que son sport ne tolèrerait bientôt plus les bagarres. « Je pense que les bagarres, que ce soit en tant qu'outil ou stratégie, sont en train de disparaître du hockey. Nous pouvons soit prendre la tête ou être à la remorque (de ce mouvement) », a-t-il écrit. Il réagissait au fait que le hockey junior réfléchissait à l'idée de s'en débarrasser.

Depuis, qu'a fait la LNH pour faire diminuer le nombre de bagarres et, par conséquent, de tragédies ? Absolument rien. La ligue n'a ni ouvert le bal ni été à la remorque de quiconque.

Gary Bettman a plutôt mis ses deux pieds sur le frein. Pendant cinq ans.

Le grand patron de la LNH n'a pas seulement refusé de prendre ses responsabilités. Il a défendu les bagarres. « Je préfère qu'ils s'envoient des coups de poing que des coups de bâton », a-t-il dit publiquement en 2013, reprenant cet argument fallacieux selon lequel les joueurs règleront leurs comptes de façon plus dangereuse s'ils ne peuvent plus se battre.

L'opinion publique, au contraire de la LNH, a évolué. La même année, un sondage Angus Reid révélait qu'au Canada, les deux tiers des amateurs de notre sport national (68 %) estimaient que les bagarres n'ont plus leur place dans le hockey professionnel.

Le public est conscientisé. Les experts sont catastrophés (ils ont d'ailleurs découvert, en examinant le cerveau de Derek Boogaard, qu'il souffrait d'encéphalopathie traumatique chronique, comme plusieurs joueurs de football).

Les dirigeants du hockey professionnel, eux, se traînent les pieds. Ils continuent de traiter leurs joueurs en héros jetables après usage, sacrifiés sur l'autel des profits.

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