« Cubama. »

Le jeu de mots a été utilisé par l'hebdomadaire The Economist cette semaine au sujet de la visite du président américain à Cuba.

Il est approprié. Barack Obama n'a pas dansé le tango à Cuba comme il l'a fait en Argentine, mais c'est tout comme. Sa relation avec Raul Castro rappelle cette danse qui réunit deux partenaires : un dialogue complexe qui a parfois des airs d'affrontement, mais qui vise l'harmonie.

Si ce n'était de Barack Obama, il n'y aurait pas eu de dégel entre les États-Unis et Cuba.

Les relations diplomatiques ont été rompues pendant 54 ans. Ce rapprochement est le résultat direct de la politique d'ouverture promise par le politicien américain dès 2007 lorsqu'il n'était qu'un des nombreux prétendants à la succession de George W. Bush.

Pendant un débat entre les candidats démocrates, un électeur lui avait demandé s'il oserait « rencontrer séparément, sans conditions préalables » les leaders de « l'Iran, de la Syrie, du Venezuela, de Cuba et de la Corée du Nord dans le but de combler le fossé » entre ces pays et les États-Unis.

Barack Obama avait répondu oui. Il s'était rapidement fait traiter de dangereux naïf par Hillary Clinton et plusieurs autres rivaux.

Près de neuf ans plus tard, on constate qu'investir dans des relations avec des interlocuteurs parfois jugés diaboliques par George W. Bush a été rentable.

À Cuba, en Iran ou en Birmanie, il y a maintenant des raisons d'espérer. Oh, bien sûr, il y a loin de la coupe aux lèvres. Et les changements n'ont souvent été, jusqu'ici, que cosmétiques.

Mais ils ont été néanmoins plus substantiels que si on avait continué de bouder les tyrans et théocrates qui sont à la tête de ces pays.

La recette n'est toutefois pas infaillible. Bachar al-Assad, intraitable, a mis la Syrie à feu et à sang. Kim Jong-un, tellement caricatural qu'on s'en moque à Hollywood, menace toujours autant ses citoyens en Corée du Nord que ses voisins.

Le chercheur français Pierre Grosser a consacré un livre à ce sujet. Traiter avec le diable ? Les vrais enjeux de la diplomatie au XXIe siècle. Selon lui, « la "disneyisation" des relations internationales amène à diviser le monde en diables, victimes et sauveurs ». Traiter l'autre de diable et refuser de lui adresser la parole est pourtant, estime-t-il, contreproductif.

Cette attitude n'a généralement pas plus sa place sur la scène internationale que dans une cour d'école. On ne doit pas négocier avec tout le monde en toutes circonstances. Mais un juste équilibre entre la carotte et le bâton - ce que certains qualifient de puissance intelligente - est préférable.

Pure coïncidence : le dégel à Cuba a permis aux Rolling Stones hier d'y chanter leur succès Sympathy for the Devil (sympathie pour le diable). Le titre de cette chanson devrait inspirer, pour les années à venir, les politiciens qui dirigent les petites et grandes démocraties de notre monde.

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