Un an après avoir été élu premier ministre de l’Ontario, le conservateur Doug Ford n’a vraiment pas de quoi fêter.

Son taux d’approbation frôle tout juste 20 % — du jamais vu, de mémoire de sondeur, pour un premier ministre en exercice. Près de trois Ontariens sur quatre le perçoivent d’un œil défavorable. Tandis que le taux d’appui envers son parti, qui avait remporté une victoire surprise avec 40 % des voix le 7 juin 2018, a fondu de moitié en un an.

Doug Ford est aujourd’hui beaucoup plus impopulaire que ne l’était la première ministre libérale Kathleen Wynne au moment où les Ontariens lui ont montré la porte. Pourtant, l’ancienne leader libérale avait fracassé des records d’impopularité.

Politicien fondamentalement populiste, Doug Ford n’est pas sans rappeler Donald Trump : même impulsivité que son voisin du Sud, mêmes tendances autocratiques, même volonté de saccager l’héritage de ses prédécesseurs, même méconnaissance de l’administration publique.

Les deux hommes se ressemblent aussi sur le plan idéologique. Ils affichent le même mépris envers les politiques sociales et environnementales. Seule différence marquante : contrairement à Donald Trump, le premier ministre de l’Ontario, lui, n’a rien contre les immigrants.

Si Doug Ford a sombré aussi bas dans l’opinion publique en 12 mois de pouvoir, faut-il en déduire que les Ontariens ont rapidement rejeté son type de populisme ? Que son passage à la tête de la plus populeuse des provinces canadiennes n’aura été qu’accidentel ? Une sorte d’accroc dans l’histoire d’un pays autrement immunisé contre les dérives qui se manifestent un peu partout sur la planète ?

Attention avant de tirer des conclusions hâtives. D’abord, bien des choses peuvent se passer d’ici les prochaines législatives ontariennes, dans trois ans.

Et puis, pour les analystes, la dégringolade de Doug Ford tient beaucoup à sa personnalité et à une série de décisions brutales par lesquelles il s’est aliéné ses propres électeurs. D’après les sondages, 15 % d’entre eux voteraient autrement aujourd’hui…

Il faut dire que le premier budget Ford annonçait de véritables coupes à blanc dans les fonds alloués à la santé et à l’éducation. Pour la santé, c’était une ponction budgétaire de 1 milliard !

La réaction a été si forte que le gouvernement Ford a dû reporter les compressions d’un an. Mais l’image d’un politicien sans cœur lui colle désormais à la peau. L’exemple le plus cité est la réduction de l’aide aux enfants autistes, une mesure qui a soulevé une vague d’indignation à droite comme à gauche. Pourtant, pendant la campagne électorale, Ford avait promis de bonifier ces allocations.

C’est d’ailleurs depuis que ce budget a été voté que les intentions de vote en faveur des conservateurs ontariens se sont littéralement effondrées.

Les mots les plus souvent cités pour qualifier les 12 mois de pouvoir de Doug Ford sont : chaos, improvisation, insensibilité, attitude belliqueuse, gestion autocratique, décisions sans queue ni tête, changements de cap abrupts.

Un automobiliste qui conduirait sa voiture de la même manière que Doug Ford mène les affaires de la province se ferait arrêter au bord de la route et subirait un alcootest, a écrit un chroniqueur du Toronto Star

Le rejet de Doug Ford tient donc beaucoup aux batailles qu’il a successivement livrées contre différents secteurs de la société, à commencer par la ville de Toronto. Au fil des mois, il aura réussi à se faire beaucoup d’ennemis.

Mais pour Frank Graves, président de la firme EKOS et spécialiste des mouvements populistes, cela ne signifie pas pour autant que ce courant politique soit en voie d’essoufflement au Canada.

Selon ses recherches, avec ou sans Doug Ford, environ un tiers de l’électorat canadien est séduit par ce qu’il appelle le « populisme autoritaire » à la Donald Trump. La polarisation et le rejet des courants politiques traditionnels bouleversent le paysage politique du Canada. Quand ce n’est pas à travers de nouveaux partis, c’est en influençant le positionnement des partis existants.

Les Canadiens se trompent quand ils pensent que ce qui se passe aux États-Unis ne peut pas arriver chez eux, assure Frank Graves. Après tout, dit-il, « c’est déjà arrivé, et ça peut arriver encore ». Peu importent les dérapages de Doug Ford.

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