La soirée électorale en Alberta a été à l’image du parcours, ces derniers mois, de la première ministre réélue : pénible.

À cause de la fermeture tardive de certains bureaux de vote, les scrutateurs ont compté les bulletins jusque tard dans la nuit avant d’accorder la victoire à Danielle Smith, du Parti conservateur uni (PCU).

Manifestement, la recette populiste a fonctionné. Mme Smith a réussi à se faire réélire, malgré les aberrations qu’elle a dites. Depuis qu’elle a pris le pouvoir, il y a sept mois, elle nage d’une controverse à l’autre.

Elle a dit que les gens qui se sont fait vacciner contre la COVID-19 étaient « tombés sous le charme des tyrans », en référence à Adolf Hitler.

Elle a chanté les louanges du « bastion de liberté » qu’on retrouve en Floride, où le gouverneur Ron DeSantis s’en est pris au droit à l’avortement en plus de s’opposer fermement aux mesures sanitaires contre la COVID-19.

Plus grave encore, elle a mis à mal la démocratie en pressant son ministre de la Justice d’intervenir dans une affaire criminelle reliée au blocage du poste frontière de Coutts par les camionneurs. Le rapport très cinglant du Commissaire à l’éthique aurait pu signer l’arrêt de mort d’un autre politicien.

Mais pas celui de Danielle Smith.

Ses partisans, conservateurs jusqu’à la moelle, étaient prêts à passer l’éponge, pourvu qu’elle prêche dans leur sens : moins d’impôts, plus de pétrole.

Elle leur a servi ce qu’ils voulaient, en plaidant pour le maintien de « l’avantage albertain » qui repose sur l’idée qu’un taux d’imposition très faible attirera les sociétés, créera des emplois et, au bout du compte, de la richesse pour tous.

Alors que sa rivale néo-démocrate, Rachel Notley, plombait sa campagne en promettant d’augmenter les impôts des grandes entreprises de 8 à 11 %, Mme Smith allait en sens contraire.

Non seulement elle a fait miroiter une baisse d’impôt, mais elle s’est même engagée à déposer un projet de loi forçant la province à tenir un référendum avant de procéder à toute future hausse d’impôts.

Cette volonté de redonner la parole aux citoyens, par référendum, est une philosophie bien ancrée depuis les années 1990 chez les partis politiques de droite, que ce soit le Parti réformiste, sur la scène fédérale, ou le Wildrose, en Alberta.

Mais en réalité, cette idée saugrenue est particulièrement mal avisée. Pensez-vous vraiment que les citoyens voteront pour des hausses d’impôts ? En Alberta ?

En agissant de la sorte, la droite place son clapet qui empêchera d’ajuster le tir si les finances publiques le nécessitent. La province n’aura d’autres choix que de s’endetter ou de réduire les services de façon cow-boy, lorsque le prix du pétrole retombera.

Cette façon très idéologique de couper court au débat public est nocive. Ce n’est pas de cette manière que Mme Smith ralliera la population, malgré l’appel à l’unité qu’elle a lancé après sa victoire.

Il faut dire que son parti n’a obtenu qu’une courte majorité face aux néo-démocrates, qui ont remporté 44 % des voix, davantage que lorsqu’ils avaient pris le pouvoir en 2015 à la faveur d’une droite divisée.

L’Alberta se retrouve donc plus polarisée que jamais. Avec des conservateurs qui n’ont jamais été si faibles, sur un terrain qui leur a toujours été conquis d’avance. La province se retrouve coupée entre les villes, qui ont voté NPD, et les communautés rurales, qui ont appuyé les conservateurs unis.

Avec un tel clivage, qu’on retrouve un peu partout dans le monde, y compris au Québec, le danger est de se retrouver avec des électeurs qui vivent chacun sur leur planète, avec des partis qui nourrissent un dialogue de sourds créant des blocages politiques.

Pour avancer, il faut se comprendre. Pour trouver des terrains d’entente, il faut laisser de côté les positions extrêmes.

D’ailleurs, si le chef conservateur Pierre Poilievre prend des notes, il gardera à l’esprit qu’une position trop radicale pourrait lui nuire sérieusement aux prochaines élections fédérales.

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