En mai 2019, les employés du musée du Louvre, à Paris, ont déclenché une journée de grève. Une seule journée qui a soulevé la colère du public et donné lieu à de nombreux reportages dans les médias.

À Montréal, le Musée d’art contemporain est fermé depuis presque deux ans. Tout le monde a l’air de s’en ficher.

Oui, il faut être un peu de mauvaise foi pour comparer le MAC au Louvre, qui accueille entre 7 et 10 millions de visiteurs par année.

Cela dit, on parle tout de même de deux institutions muséales importantes dans leur ville respective.

À l’échelle montréalaise, le MAC a déjà été très populaire. Souvenez-vous : les files d’attente monstres pour visiter l’exposition consacrée à Leonard Cohen en 2017. Ou le succès retentissant de l’exposition de David Altmejd en 2015. Et de celle de Janet Werner en 2019.

En 2018, le directeur et conservateur en chef, John Zeppetelli, se réjouissait de son demi-million de visiteurs. Le musée était pertinent, il s’était taillé une place enviable dans le paysage culturel montréalais.

Aujourd’hui ses locaux, qui occupent le cœur du Quartier des spectacles, sont vides. Ses portes sont fermées à double tour et ses collections sont entreposées. Tout ça dans l’indifférence quasi générale. Pendant ce temps, c’est à la Fondation PHI et à l’Arsenal art contemporain qu’on a pu voir des expositions marquantes comme Kusama, Yoko Ono ou Pink Floyd.

Rappelons quelques dates importantes. En 2014, la direction du musée présente sa vision pour doubler la superficie du MAC. Évaluation du projet : 44 millions dollars. Cinq ans plus tard, le projet est arrêté. Les prévisions laissent entrevoir un trop grand dépassement de coûts. Puis en 2022, nouvel appel d’offres avec un budget de 88 millions dollars. L’appel d’offres est annulé quelques mois plus tard dans l’espoir que le marché post-pandémique de la construction se calme un peu, les soumissions reçues dépassant le budget de 50 %. Depuis, c’est silence radio. Or plus on attend et plus ces travaux coûteront cher.

Fait à noter, c’est la Société québécoise des infrastructures (SQI) qui est partenaire du musée dans ce dossier et qui gère le projet. La même SQI qui ne s’illustre pas par sa vitesse d’exécution à l’Institut des Sourdes-Muettes, pour ne citer qu’un exemple. Mais comme dans tous ces projets d’envergure qui impliquent plusieurs partenaires gouvernementaux, il n’y a jamais un seul responsable des délais, tout le monde se renvoie la balle.

On dit que le dossier est sur le bureau du ministre fédéral Pablo Rodriguez et que des annonces seront faites sous peu. On le croira quand on le verra. Mais il serait surprenant qu’on puisse fouler le sol du nouveau MAC avant au moins quatre ans, si on est optimiste. Cela fera alors presque six ans que l’institution aura fermé ses portes.

Le MAC n’est quand même pas la première institution muséale à devoir gérer de grands travaux

Le musée de Pergame, à Berlin, sera fermé jusqu’en 2037 ! Le centre Georges-Pompidou, qui effectuera des travaux de 2025 à 2030, s’est quant à lui associé au Louvre et au Grand Palais pour présenter des expositions durant cette parenthèse.

Le MAC, lui, présente des expositions assez pointues dans un ancien restaurant chinois de la Place Ville Marie, dans un quartier de tours de bureaux fréquenté par des travailleurs pressés.

Un seul artiste québécois a exposé dans cette galerie temporaire du centre-ville en deux ans alors que le rayonnement de l’art contemporain québécois fait partie de la mission du musée.

Quant aux collections du MAC, elles sont entreposées et donc inaccessibles aux autres musées qui souhaiteraient emprunter des œuvres.

Et cette situation durerait encore quatre ou cinq ans ?

On comprend que l’agrandissement, qui implique un volet architectural de la firme Saucier+Perrotte, ne se fait pas en criant ciseau. Personne ne souhaite qu’on bâcle ces travaux. Mais pendant que le MAC se languit, d’autres institutions québécoises ont commencé et terminé leur rénovation.

La direction du musée aurait-elle pu se montrer plus dynamique, plus visible sur la place publique, tout en mettant davantage de pression sur les gouvernements pour que les choses bougent plus vite ?

Le directeur John Zeppetelli doit convaincre les sceptiques qu’il est encore l’homme de la situation pour faire aboutir les travaux et diriger le MAC dans sa prochaine incarnation.

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