Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) peine à retenir ses troupes. En janvier dernier, la Fraternité des policiers et policières sonnait l’alarme. On comptait 218 départs en 2022 : 144 retraites et 74 démissions. Du jamais vu selon le président du syndicat, Yves Francœur.

Alors qu’il souligne ses 100 premiers jours comme directeur, Fady Dagher a fait du recrutement et de la rétention des nouveaux policiers l’une de ses trois grandes priorités, à juste titre. Il veut également prévenir les actes de violence impliquant les armes à feu – les deux plus récents meurtres ont fait grimper l’inquiétude des Montréalais d’un cran – et se rapprocher de la population montréalaise. Mais pour y arriver, il a besoin de main-d’œuvre.

Les policiers du SPVM se plaignent du coût de l’habitation dans la métropole, de l’absence de stationnement et de l’attention constante des médias sur leur travail. Ils trouvent aussi le terrain très « chaud » à Montréal. Disons que ça ne se bouscule pas au portillon pour porter l’uniforme du SPVM en dépit de la « prime métropole » de presque 8 %.

Le chef de police a donc entrepris une opération « grande séduction » pour attirer les jeunes. En février dernier, le salaire des recrues est passé de 36 900 à 46 100 $. À cette augmentation s’appliquera la nouvelle convention collective, approuvée par la majorité des policiers la semaine dernière, qui prévoit une nouvelle augmentation de salaire de 20 % sur cinq ans.

Le SPVM devient ainsi un des services de police les plus attractifs au Québec.

Ce contrat de travail prévoit aussi plus de postes avec des horaires qui favorisent la conciliation travail-famille, une demande des policiers, a précisé le chef Dagher, qui crée 650 postes avec des horaires de jour ou de soir. Les recrues auront également droit à un week-end de congé tous les 35 jours.

Fady Dagher introduit également pour les recrues une immersion sociocommunautaire de quatre semaines. Ces stages, qui sont devenus sa marque de commerce, ont connu un grand succès à Longueuil.

Mais Montréal n’est pas Longueuil. Est-ce que ces quatre petites semaines seront suffisantes pour susciter un attachement chez les nouveaux policiers ? Pour qu’un « déclic Montréal » se produise ?

Et surtout, est-ce seulement Montréal le problème ? Des enjeux de recrutement, il y en a partout au Québec ainsi que dans le reste du Canada.

Pour y remédier, le gouvernement ontarien vient d’ailleurs d’annoncer qu’il assumera les coûts de la formation de ses futurs policiers. Prix de cet engagement : 20 millions de dollars. On abaisse également les exigences en dispensant les futurs policiers d’études post-secondaires. On espère ainsi augmenter le nombre d’agents sur le terrain.

Les corps de police américains font face à une situation similaire.

Une enquête menée en juin 2021 par le Police Executive Research Forum (PERF) auprès de 200 services de police aux États-Unis observait que le moral des policiers s’était effondré et que les départs à la retraite et les démissions avaient grimpé en flèche.

Une tendance se confirme d’année en année : le travail policier dans son ensemble attire moins les jeunes.

Le fait de travailler sous l’œil scrutateur du public et des médias, qui décortiquent leur travail et montrent du doigt leurs biais et leurs préjugés, dérange si on se fie à l’étude du PERF, qui a conduit une série d’entrevues avec des policiers démissionnaires ou retraités précoces.

L’autre problème auquel les forces policières sont confrontées : l’arrivée sur le marché du travail de la génération Z. Plusieurs études se sont penchées sur ce changement générationnel. On note que les jeunes n’apprécient pas la hiérarchie militaire de la police, l’obligation d’obéir aux ordres. Les apprentis policiers nés après 1997 veulent davantage participer aux décisions et cherchent, plus que leurs aînés, semble-t-il, un sens à leur travail. Il faudra donc davantage qu’une prime et des horaires flexibles pour les attirer.

Les mesures annoncées par le chef Fady Dagher pour séduire les recrues ne sont pas mauvaises. Mais la réflexion devra être plus profonde pour convaincre les jeunes qu’il y a un avenir dans la police.

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