Alors que le ministre de la Santé, Christian Dubé, était sur le point de rendre public son projet de loi sur l’efficacité du réseau à la fin du mois de mars, son prédécesseur, Gaétan Barrette, avait prédit une « troisième guerre mondiale ».

Heureusement, ce n’est pas parti pour ça.

Ça fait maintenant cinq longues journées que divers représentants du réseau sont invités à se prononcer sur le projet de loi 15 à l’Assemblée nationale et le fait est que les amateurs d’affrontements féroces n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent.

C’est très bien comme ça, d’ailleurs.

Personne n’avait envie, étant donné l’importance de cette réforme, qu’on assiste à du chamaillage plutôt qu’à des discussions constructives.

Si la tendance se maintient, ce projet de loi continuera d’être examiné avec sérieux par les élus, pour ensuite être bonifié. Car à peu près tout le monde – y compris le ministre Dubé – s’entend pour dire que la première mouture de cette législation doit être améliorée.

Rappelons deux ou trois choses à propos de ce projet de loi avant d’expliquer en quoi il est perfectible.

D’abord, il va permettre la création de Santé Québec. Cette nouvelle société d’État devra coordonner les opérations du système de santé, mandat qui incombe actuellement au ministère. Désormais, ce dernier pourra se concentrer sur les priorités, objectifs et orientations du réseau.

Avec ce nouvel employeur unique, on devrait voir le nombre de conventions collectives des employés du réseau fondre comme neige au soleil. Parmi les résultats espérés : il sera plus facile de coordonner les activités, entre autres parce que la mobilité des professionnels sera facilitée. Et on fonctionnera forcément moins en silos. Si ça marche, le patient va en bénéficier.

Bon, évidemment, tout ça ne fait pas l’unanimité. Vous ne vous étonnerez pas de savoir que certains syndicats – comme la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ) et la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) – ne sont pas sur la même longueur d’onde que Christian Dubé sur l’ensemble des éléments de la législation.

Mais il n’y a pas eu de guerre, et c’est probablement parce qu’il y a trois ou quatre conditions gagnantes actuellement réunies.

Sur le fond, la crainte du statu quo est telle qu’à peu près tout le monde semble vouloir que la réforme actuelle – dont le projet de loi est une pièce maîtresse – fonctionne.

Ensuite, l’idée de créer une agence pour les opérations du réseau n’est pas nouvelle. Elle figurait dans le rapport de la commission sur la santé présidée par Michel Clair, rédigé… il y a plus de 20 ans.

Un autre atout tient en deux mots : Christian Dubé. Contrairement à Gaétan Barrette, il préfère laisser ses gants de boxe à la maison.

Un bon exemple de ses talents de diplomate : la façon dont il a achevé en douceur, la semaine dernière, un échange plus musclé avec Julie Bouchard, de la FIQ. « Des fois, c’est bon de s’entendre juste sur quoi on ne s’entend pas », a-t-il dit calmement.

Il est parlable, donc. Même qu’il se dit prêt à modifier son projet de loi en tenant compte des recommandations offertes.

On verra d’ici peu jusqu’à quel point le ministre est prêt à mettre de l’eau dans son vin. Tout particulièrement en matière de « gestion de proximité », un concept auquel il tient, mais qui n’est pas encore au point.

Plusieurs s’inquiètent de voir que la législation ne va pas assez loin quant à la décentralisation de la prise de décision.

On promet qu’il y aura désormais des gestionnaires locaux « imputables » dans chacun des établissements, mais le problème, c’est qu’on ne sait pas quel sera leur véritable pouvoir ni de quelle autonomie ils disposeront.

En entrevue avec notre journaliste Fanny Lévesque le mois dernier, le ministre avait dit voir d’un bon œil une idée lancée par Michel Clair quant à la gestion de proximité : la création de conseils de surveillance et d’une alliance communautaire à travers le Québec.

Il voudrait notamment que « tous les directeurs, y compris ceux des groupes de médecine de famille et des centres médicaux spécialisés », rendent des comptes à ces conseils sur une base régulière, entre autres en matière de performance.

L’idée générale serait d’impliquer la communauté à l’image de ce que permettent les comités de sécurité publique (CSP) qu’on retrouve actuellement dans chacune des MRC de la province, où siègent de quatre à sept élus municipaux.

Tout ça pour dire qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour qu’on puisse crier victoire. On sait aussi que le passé n’est pas garant de l’avenir – des batailles pourraient survenir.

Mais dans le contexte, le fait qu’on ait déjà parcouru un chemin appréciable dans une certaine harmonie est tout à l’honneur de l’ensemble des participants à cet effort collectif. Puissent-ils garder le sort des patients au cœur de leurs préoccupations jusqu’à la fin.

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