Une mère qui paie une facture de dentiste de 70 $ pour son enfant… et qui reçoit ensuite un chèque de 650 $ du fédéral pour en couvrir les frais.1

Des sommes remboursées sans présentation du moindre reçu, en montrant uniquement une date de rendez-vous chez le dentiste qui peut ensuite être annulé.

Au Québec, des traitements déjà remboursés par la Régie de l’assurance maladie qui sont remboursés en double par Ottawa.

On savait déjà que le nouveau programme de soins dentaires du gouvernement Trudeau avait été élaboré à la hâte, sous la pression du NPD qui tient le sort du gouvernement minoritaire libéral entre ses mains.

On savait qu’il ferait l’objet d’un encadrement minimal à ses débuts, le fédéral se contentant essentiellement d’envoyer des chèques aux familles qui en ont besoin pour couvrir les frais dentaires des enfants, sans vérifications systématiques.

Ottawa avait évoqué un programme temporaire, « basé sur l’honneur », dont les balises viendraient plus tard.

On avait beau savoir tout cela, on fait quand même le saut en entendant les premiers échos du terrain concernant le nouveau programme de soins dentaires fédéral. Un programme qui devrait tout de même coûter 5,3 milliards sur 5 ans.

Le Directeur parlementaire du budget est d’ailleurs intervenu publiquement pour dénoncer les risques de fraude et d’abus que ce programme engendre.

Ces échos nous montrent une chose : l’urgence de resserrer ce programme et de le baliser.

Le gros hic à ce point-ci, c’est que le fédéral est toujours incapable de nous dire comment et quand il fixera ces balises.

Cela fait craindre que le laxisme actuel devienne la norme et que, comme c’est trop souvent le cas, le robinet du gouvernement Trudeau fasse couler l’argent sans se préoccuper de colmater les fuites.

Rappelons-nous comment les programmes de Prestation canadienne d’urgence et de subvention salariale ont conduit à de nombreux abus pendant la pandémie. La vérificatrice générale a révélé que des versements totalisant pas moins de 27,4 milliards de dollars devaient faire l’objet d’une « enquête approfondie ». Une fortune ! À l’époque, le gouvernement avait au moins l’excuse de l’extrême urgence.

Dans le cas du programme de soins dentaires, il est d’autant plus crucial de redresser la barre que ce programme est nécessaire.

Il est inadmissible que dans un pays comme le nôtre, des enfants et des aînés soient privés de soins dentaires parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Il est illogique que notre système de santé public soigne tous vos bobos sauf ceux qui ont le malheur de survenir dans votre bouche.

Voilà pourquoi il faut accoucher d’un programme solide, bien contrôlé, qui résistera aux critiques et durera dans le temps.

Au fédéral, on nous dit qu’il est impossible d’exiger des reçus avant de rembourser les frais de dentiste. Cela impliquerait que les familles à faibles revenus paient d’abord la facture, et plusieurs en sont incapables.

Il est évident qu’une assurance ne vaut rien si ceux qui en ont le plus besoin ne peuvent y accéder. Mais combien d’assureurs privés ont trouvé le moyen de faire payer seulement les montants non remboursés à leurs clients au comptoir du dentiste ?

La vérité est qu’il est infiniment plus simple d’envoyer des chèques que de structurer un véritable programme. Surtout quand on sait à quel point la machine fédérale peine à fournir des services à ses citoyens.

Santé Canada a peu d’expérience dans l’administration de programmes destinés à la population comme celui des soins dentaires. Le plus logique aurait été d’en confier l’administration à Services Canada. Mais comme on peine déjà à y gérer les prestations d’assurance-emploi, on devine que personne n’a osé en jeter plus dans cette cour.

C’est donc l’Agence du revenu du Canada qui administre le programme de soins dentaires, un curieux arrimage.

À Ottawa, on nous dit souhaiter à terme s’entendre avec les provinces pour que ce soit elles qui prennent vos dents en charge. Au Québec, par exemple, il suffirait de tendre sa carte d’assurance maladie chez le dentiste. Le fédéral s’arrangerait avec les provinces en coulisses.

Ce serait l’idéal pour les patients, mais un tel scénario exigera des négociations complexes. Le fédéral doit s’arranger pour les faire aboutir rapidement, ou alors mettre en place son propre système de vérifications rigoureux.

Chose certaine, le laisser-aller actuel, si caractéristique de la façon dont ce gouvernement gère l’argent, doit prendre fin.

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