Le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) a tranché et le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, n’a pas bronché : l’équipe volante de 22 orthopédagogues qui vient en aide à quelque 200 élèves handicapés sera démantelée.

C’est une histoire qui ne touche qu’une infime partie de l’ensemble des élèves du CSSDM. Et elle concerne uniquement deux dizaines de professionnels.

Mais la levée de boucliers à laquelle on assiste depuis que notre collègue Marie-Eve Morasse a révélé cette affaire1 nous montre à quel point l’enjeu est majeur.

Tant les enfants vulnérables qui reçoivent de précieux services (et leurs familles) que les professionnels qui ont un impact mesurable dans la vie de ces jeunes ont l’impression que le sol vient de se dérober sous leurs pieds.

On comprend aussi qu’une opération d’une maladresse flagrante de la part du centre de services a provoqué une situation d’une tristesse inouïe : une onde de choc qui se traduit sur le terrain par un mélange de peur et d’insatisfaction.

Chez ceux qui bénéficient actuellement de l’aide proposée ET chez ceux qui l’offrent.

Du côté du centre de services, on jure que les intentions sont nobles. On explique qu’on cherche à offrir davantage de services à un plus grand nombre d’élèves.

Mais allez expliquer ça à des parents qui ont dû se battre bec et ongles pour obtenir l’aide à laquelle leur enfant a droit !

Allez leur dire que ce jeune va perdre le soutien essentiel offert par un orthopédagogue – parfois depuis plusieurs années –, mais qu’il ne faut pas s’en faire parce que, croyez-les sur parole, on trouvera un autre professionnel qui pourra lui venir en aide dès l’automne prochain.

« À part la rage et l’inquiétude, un de mes premiers sentiments a été le découragement d’avoir ENCORE une lutte à mener pour que s’applique le gros bon sens. Cela ne finit jamais, tout est toujours à recommencer », nous a écrit la mère d’un des enfants touchés par le démantèlement.

« Quand ce n’est pas l’accès à un médicament rare, c’est un combat avec les compagnies d’assurance. Quand ce n’est pas pour le respect du plan d’intervention, c’est carrément pour le maintien d’un service essentiel, etc. », a-t-elle ajouté.

Elle n’a pas besoin d’un combat de plus.

Les autres parents non plus.

Leurs enfants encore moins.

En théorie, pour le CSSDM, le changement annoncé est un bel exemple d’optimisation réussie.

L’équipe volante va être sabordée, dans l’espoir que les orthopédagogues qui en font partie s’engagent dans l’une des écoles du CSSDM. On a calculé qu’ils vont alors pouvoir offrir des services à un plus grand nombre d’enfants.

Par ailleurs, parallèlement, on pense mettre sur pied une autre équipe volante qui serait, elle, composée de deux orthopédagogues et d’autres spécialistes. L’idée est d’offrir des interventions mieux adaptées aux jeunes.

Le raisonnement est logique. Mais une once de faits vaut mieux qu’une tonne de théorie, dit-on.

Et les faits jusqu’ici démontrent que l’équipe volante qu’on va démanteler fait des miracles sur le terrain.

Les témoignages que nous avons pu recueillir dressent le portrait d’un service personnalisé, redoutablement efficace pour les enfants handicapés, offert – depuis une quarantaine d’années – par une équipe dont l’expertise est unique.

Les faits laissent aussi croire que la façon dont le démantèlement a été annoncé ainsi que la pénurie de personnel qui frappe le réseau ne permettent pas de garantir le succès de la nouvelle formule préconisée par le CSSDM, malgré les assurances données.

Il n’est pas certain que les orthopédagogues de l’équipe volante, échaudés, accepteront une nouvelle offre du centre de services. Au moins six de ces professionnels songeraient à abandonner le CSSDM, selon la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’éducation, Marwah Rizqy.

Terminons en notant que s’il faut blâmer les responsables du CSSDM pour cette crise, il faut aussi les plaindre.

Parce qu’on leur demande encore de faire plus avec moins.

Ils demeurent aux prises avec le même odieux dilemme : offrir des services à tous les jeunes vulnérables qui en ont besoin sans avoir suffisamment de ressources.

Et ça, c’est au ministre de l’Éducation d’y remédier.

1. Lisez l’article de Marie-Eve Morasse Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion