« Il faut se libérer des agences privées », a récemment lancé le ministre de la Santé, Christian Dubé, en présentant un projet de loi qui vise à s’en débarrasser.

« La dépendance du réseau aux agences de placement est un fléau qui doit être éradiqué », avait indiqué le même jour la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ).

On les croirait sur la même longueur d’onde.

Mais non. Le torchon brûle.

François Legault l’a démontré la semaine dernière, en affirmant que les syndicats « n’acceptent pas de venir s’asseoir à la table de négociation ».

Pourtant, deux rencontres ont eu lieu depuis la mi-janvier et d’autres sont prévues.

Même que la FIQ dit qu’elle a proposé à Québec de faire grimper le nombre de séances de négociations. Elle qualifie donc « de fausses accusations et d’affirmations loufoques » les allégations du gouvernement.

Ce qu’il faut comprendre, en fait, c’est que le premier ministre reproche à la FIQ de ne pas vouloir participer au « forum équipe soins », un « espace de discussion » créé par Québec en marge de la ronde des négociations.

On veut notamment y discuter, avec l’ensemble des syndicats, du décloisonnement des tâches, des horaires de travail et de la question controversée des heures supplémentaires obligatoires.

Or, la FIQ a décidé qu’elle n’y mettrait pas les pieds. Les autres syndicats concernés non plus, d’ailleurs.

Arrêtons-nous un moment, ici, pour réfléchir à ce qui est en train de se passer.

Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut un profond changement de culture dans le réseau de la santé. Mais avant d’y parvenir, visiblement, il faudrait être à même d’opérer un changement de culture… dans le processus de négociation des conventions collectives.

Quelle ironie, tout de même !

Les infirmières ont tout avantage à ce que le plan de Christian Dubé pour réduire le pouvoir des agences privées fonctionne.

Mais pour ça, le ministre ne peut se contenter de chanter Ne me quitte pas aux infirmières qui n’en peuvent plus.

Le pari est que les infirmières qui sont dans le réseau vont pouvoir récupérer les bons horaires dont héritaient trop souvent les infirmières recrutées par les agences privées.

Mais ça ne suffira pas pour faire cesser l’hémorragie. Le ministre l’a compris et il veut rapidement trouver des façons de revaloriser la profession. Pour y parvenir, il faudra revoir, de fond en comble, l’organisation du travail et les conditions de travail.

Ce qu’il faut accomplir en santé est assez similaire, quand on y pense, au défi à relever dans le secteur de l’éducation. Il faut trouver des façons de prêter main-forte au personnel essentiel, qui n’en peut plus de tenir le réseau à bout de bras.

Le réseau est en crise permanente. La pandémie nous a montré à quel point il craque de partout. Et tous ceux qui sont de bonne foi se rendent aujourd’hui compte que ce n’est pas en persistant à faire la même chose qu’on va obtenir un résultat différent.

Pour que le pari risqué du ministre Dubé fonctionne, et qu’au final les infirmières du réseau public puissent bénéficier de meilleures conditions, les syndicats qui les représentent devront mettre de l’eau dans leur vin (en commençant par se pointer au forum !).

Pensons seulement à toute la discussion qui devra avoir lieu au sujet des « offres différenciées », nécessaire pour corriger des injustices structurelles dont font les frais de nombreuses infirmières.

Actuellement, la rémunération des infirmières ne tient pas assez compte de leur formation, de la région où elles pratiquent et encore moins de leur environnement de travail (de jour dans un groupe de médecine de famille, par opposition à la nuit aux urgences, par exemple).

Il faut espérer que les syndicats qui représentent les infirmières et les autres travailleurs de la santé seront plus sensibles à la toute dernière proposition faite par Sonia LeBel.

La présidente du Conseil du trésor a annoncé lundi qu’elle va dévoiler une nouvelle proposition gouvernementale lors du prochain forum « équipe soins », mercredi. L’objectif est visiblement de rendre cette rencontre incontournable.

Saluons cette initiative.

Car le changement de culture tant réclamé n’a aucune chance de se produire si tous ceux qui sont impliqués dans les pourparlers en cours poussent dans des directions différentes et refusent d’adopter une attitude conciliante.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion