Ce n’est pas acceptable que tous les Québécois qui le désirent ne puissent pas mourir à la maison.

Dans la province où la population vieillit plus vite que partout ailleurs en Amérique du Nord, seulement 1 personne sur 10 décède à son domicile, contre 3 sur 10 dans le reste du Canada.

Cette situation n’est pas seulement déplorable, elle contrevient à la Loi concernant les soins de fin de vie. Cette loi, adoptée en 2015, garantit un accès à des soins palliatifs complets, de qualité, partout dans le réseau, Y COMPRIS à domicile. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas.

On parle beaucoup de l’accès à l’aide médicale à mourir (AMM) au Québec. Le gouvernement Legault a d’ailleurs déposé jeudi une nouvelle mouture du projet de loi sur l’AMM qui élargira son accès aux gens qui souffrent d’un handicap neuromoteur grave et incurable tout en permettant aux personnes atteintes de maladie grave et incurable comme l’alzheimer de faire une demande anticipée d’AMM. On veut également obliger les maisons de soins palliatifs à offrir l’AMM. Tout cela est très bien, pourvu que parallèlement, on s’assure que des soins palliatifs de qualité soient offerts partout dans la province.

Les soins palliatifs à domicile répondent aux souhaits de plus de la moitié de la population, selon une étude réalisée en 2015 par la Dre Geneviève Dechêne, une pionnière dans les soins palliatifs à domicile au Québec, et son équipe.

L’étude démontrait que lorsque les soins palliatifs à domicile sont offerts, 65 % des gens s’en prévalent.

Qu’est-ce qui explique que les soins palliatifs à domicile soient moins développés chez nous que dans le reste du Canada ?

Première explication : l’expertise n’est pas reconnue au Québec, l’idée reçue étant que n’importe quel médecin de famille peut en prodiguer. Or les universités offrent une année de spécialisation en soins palliatifs aux étudiants en médecine de famille. Peut-être faudrait-il reconnaître cette expertise à l’extérieur des murs de l’école ?

Deuxième explication : l’interprétation de l’entente entre le ministère de la Santé et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) qui limite à « environ » sept jours la durée des soins intensifs offerts à domicile. La FMOQ affirme que les médecins font une lecture trop étroite de cette entente, et se dit ouverte à en discuter. C’est une excellente nouvelle.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés

La ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, se dit déterminée à développer les soins palliatifs à domicile dans l’ensemble du Québec. Elle doit absolument profiter de l’ouverture de la FMOQ pour discuter d’autres points, dont la création de postes dédiés en soins palliatifs partout dans la province.

Les économies générées par les soins palliatifs à domicile devraient achever de convaincre les décideurs : il coûte 50 % moins cher de soigner une personne à la maison plutôt qu’à l’hôpital durant les 12 derniers mois de sa vie.

Reste le problème de fond : à l’heure actuelle, il y a 465 postes de résidents en médecine familiale à pourvoir selon la FMOQ. Il semble évident qu’on ne réglera pas l’accès aux soins palliatifs à domicile sans parler de l’attractivité de la médecine familiale.

Enfin, impossible de parler de soins palliatifs à domicile sans parler de proche aidance. On estime qu’il faut environ trois personnes de l’entourage pour soutenir une personne en fin de vie à la maison. Les spécialistes en soins palliatifs sont formels : on a tendance à sous-estimer l’impact de cet engagement sur la santé physique et psychologique des proches.

Dans un document produit pour les équipes de soins palliatifs des CLSC de la Montérégie en 2017, on rappelle que 30 % des proches aidants risquent de tomber malades, d’où l’importance de leur offrir un soutien pendant et après leur implication.

Mourir à la maison n’est pas une solution qui convient à tous. Certains choisiront de mourir dans une maison de soins palliatifs ou à l’hôpital, d’autres pousseront leur dernier soupir dans un CHSLD.

Mais pour ceux et celles qui le souhaitent, et qui sont bien entourés, cette option doit être disponible. C’est aussi ça, mourir dans la dignité.

La version originale de ce texte omettait de préciser que dans le cas des personnes atteintes de maladie grave et incurable comme l’alzheimer, il s’agit de permettre une demande anticipée d’AMM.

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