Rappel poli à Christian Dubé : même s’il n’est pas celui qui doit stabiliser les patients à leur arrivée aux urgences, le ministre de la Santé reste ultimement le grand responsable des urgences au Québec.

La semaine dernière, le ministre Dubé, un gestionnaire talentueux et un habile communicateur, a fait une déclaration qui risque de mal vieillir. « C’est le fun de travailler à éteindre des feux et de régler des urgences, mais moi, je ne suis pas là pour ça, je suis là pour avoir des effets structurants qui vont changer les choses. […] On va essayer de se sortir de l’urgent pour travailler un peu plus sur l’important », a-t-il dit.

Il a vite été ramené dans « l’urgent ». Le très urgent.

Les urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), parmi les plus importantes au Québec, étaient fermées dans la nuit de lundi à mardi (sauf pour les cas instables). Les infirmières, épuisées par le « temps supplémentaire obligatoire » (TSO) et le climat de travail toxique, ne sont pas rentrées pour leur quart de travail de nuit. L’hôpital leur avait présenté un plan pour réduire le TSO, sauf qu’il n’y aurait pas eu assez d’infirmières sur le plancher pour assurer la sécurité des patients, ont-elles jugé.

Malgré toutes les difficultés de notre système de santé, on ne se souvient pas que les urgences d’un hôpital majeur aient dû fermer leurs portes.

Ni Québec ni la direction de l’hôpital ne peuvent plaider la surprise. Seulement la semaine dernière, une centaine d’infirmières de HMR menaçaient de démissionner et un record de TSO avait été établi aux urgences, selon le syndicat. Il n’y a pas eu non plus d’afflux inexplicable et soudain de nouveaux patients.

On ne peut pas faire porter au ministre de la Santé personnellement chaque décision idiote d’un gestionnaire du réseau (ex : « voler » une rôtie au beurre d’arachides = suspension d’une employée). Ni lui demander de microgérer les milliers de décisions qui se prennent chaque jour dans le réseau.

Mais s’assurer que les urgences de l’un des plus importants hôpitaux restent ouvertes en tout temps ? Oui, ça fait partie de la description de tâches d’un ministre de la Santé. En renvoyant le problème de HMR aux gestionnaires du réseau ce week-end, le ministre Dubé a commis une erreur sur le plan politique.

Bien sûr, un ministre qui veut réformer le système de santé doit toujours voir à long terme. Ça ne l’exempte pas pour autant de gérer les crises dans le réseau durant l’implantation de son « Plan santé », qui devrait durer 5-10 ans.

Pour les urgences de HMR, le gouvernement Legault a décidé mardi d’avoir recours à une conciliatrice, de changer la cheffe des urgences et de diminuer le nombre d’ambulances envoyées vers HMR. Espérons qu’à très court terme, ça permette de remettre le couvercle sur la marmite.

Personne n’est dupe : ça ne réglera pas les nombreux problèmes structurels à HMR. Les deux principaux : 1) l’hôpital n’a pas assez de lits (17 % des lits à Montréal) pour la population qu’il dessert (27 % des Montréalais) ; 2) on peine à recruter du personnel, particulièrement des infirmières.

S’il est très compliqué d’ajouter des lits à court terme, Québec peut toutefois travailler sur la rétention du personnel. Il faut cesser l’exode des infirmières vers les agences privées, et réduire le recours à ces agences privées dans les hôpitaux. Sinon, on ne s’en sortira pas.

Il ne manque pas nécessairement d’infirmières au Québec. Au prorata de sa population, le Québec en compte plus que l’Ontario. Par contre, il manque d’infirmières dans le réseau public, parce que les conditions de travail y sont difficiles.

En quatre ans, le nombre d’infirmières dans les agences privées au Québec est passé de 1600 à 2400. Il faut les convaincre de revenir dans le réseau public – particulièrement aux urgences – avec de meilleures conditions de travail et la fin du TSO.

C’est l’une des solutions pour atténuer la crise aux urgences. Une crise qui dure depuis des décennies, mais qui a donné lieu à un épisode particulièrement révélateur du moral des troupes lundi soir à HMR.

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