Elles étaient neuf. Elles ne sont plus que huit. Et si le gouvernement Trudeau n’agit pas d’urgence, la liste pourrait encore se raccourcir.

On parle ici d’ex-députées du parlement afghan qui sont toujours coincées dans leur pays. Et qui sont en danger depuis que les talibans ont repris le pouvoir en 2021.

Depuis octobre dernier, un groupe transpartisan formé de six députés canadiens interpelle le gouvernement pour que ces neuf femmes et leurs familles puissent trouver refuge au Canada.

Fait inusité, ce groupe qui met de la pression sur le gouvernement Trudeau compte des députés de cinq partis fédéraux… dont deux députés libéraux.

La preuve qu’ils ont raison de s’inquiéter est tombée de façon tragique le week-end dernier. L’une des neuf ex-députées afghanes, Mursal Nabizada, a été tuée par balle dans son domicile de Kaboul. Elle avait 29 ans. Son garde du corps est aussi mort dans l’attaque et son frère a été blessé.

Difficile d’avoir une démonstration plus claire que le Canada aurait dû agir plus tôt.

Et qu’il faut maintenant voler au secours des huit ex-députées qui restent. Dire qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort n’est pas une figure de style.

Non, le Canada ne peut pas secourir tous ceux qui sont en danger dans le monde. Mais dans le cas précis de ces femmes, le pays a une « obligation morale ».

De 2001 à 2021, le Canada a fourni près de 4 milliards en aide internationale à l’Afghanistan. Les droits des femmes et des filles ont été au cœur des priorités canadiennes. L’une des missions était d’aider les femmes à jouer un rôle actif dans la société afghane, notamment en politique.

Ces femmes qu’on a aidées à se hisser au pouvoir sont aujourd’hui en danger. On se doit de les aider.

Comment ?

Au cabinet du ministre de l’Immigration, Sean Fraser, on souligne que le Canada a déjà un outil pour ça : le « programme humanitaire pour les ressortissants afghans ayant besoin de se réinstaller ».

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

Il est notamment orienté vers les « femmes leaders ». Des ex-députées et des ex-juges afghanes, notamment, ont déjà trouvé refuge au Canada grâce à lui.

Le hic, c’est qu’on ne peut pas simplement dire aux huit ex-députées qui restent sur place : « Le programme existe, il suffit de remplir le formulaire. » C’est beaucoup plus complexe.

Pour y être éligibles, les femmes doivent se trouver à l’extérieur de l’Afghanistan. Or, le Canada n’a aucune présence diplomatique ou militaire sur place et ne peut donc pas les aider à quitter le pays.

Des organisations non gouvernementales sont prêtes à les faire sortir. Mais pour mettre le plan en action, il leur faut l’assurance que le Canada accueillera ensuite rapidement les femmes.

Ces ex-députées sont traquées. Il est impensable de les faire poireauter des mois dans un pays voisin, avec le risque d’être renvoyées en Afghanistan. Un renvoi qui, pour elles, équivaudrait à une sentence de mort.

Ce qu’on demande aujourd’hui au ministre Fraser est donc un signal clair que ces femmes sont les bienvenues chez nous. Il pourrait utiliser ses pouvoirs discrétionnaires pour leur accorder l’asile. Ou s’assurer qu’elles sont acceptées dans le programme existant.

« Nous demandons au gouvernement de s’écarter des procédures standard », nous a résumé la députée libérale Leah Taylor Roy, qui prend ici le risque d’interpeller le ministre de son propre parti. Son initiative doit être saluée.

En fin de journée mardi, on nous disait que le ministre travaille maintenant en ce sens. Tant mieux. Mais on applaudira lorsque les huit femmes seront à l’abri au Canada.

Pour les talibans, les femmes politiciennes sont des cibles à abattre. Nous avons l’obligation de contrer cette barbarie en leur ouvrant nos bras.

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