Pendant les Fêtes, des voyageurs ont attendu des heures à l’aéroport de Montréal pour avoir des nouvelles d’Air Canada. Des clients de Sunwing ont été coincés au Mexique pendant plusieurs jours, incapables de savoir quand ils rentreraient au Canada.

La grosse tempête du 23-24 décembre a eu le dos large en matière d’annulations et de retards de vols.

Même sans boule de cristal, on peut prédire qu’un scénario semblable risque de se reproduire à la prochaine occasion. Parce qu’Ottawa n’est pas assez sévère avec les compagnies aériennes en matière de droits des passagers.

Personne ne demande à une compagnie aérienne d’être Superman et de voler en toutes circonstances. Les avions doivent parfois être cloués au sol pour des raisons de sécurité, comme lors de la tempête du 23-24 décembre.

PHOTO GEOFF ROBINS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Passagers en partance de London, en Ontario, cherchant à réserver une place dans un autre avion au comptoir d’Air Canada après l’annulation de leur vol, le 23 décembre dernier

Ça ne veut pas dire qu’on doit tolérer autant de désinvolture de la part de certaines compagnies aériennes. Quand la tempête est terminée, un client dont le vol a été annulé ou retardé doit pouvoir repartir dans un délai raisonnable. Pas quand c’est le plus rentable pour le transporteur.

Il n’y a qu’une seule solution efficace pour régler ce problème, et c’est le gouvernement de Justin Trudeau qui peut l’imposer : renforcer de façon importante les droits des passagers aériens.

Pour faire en sorte que les compagnies aériennes qui traitent mal leurs clients soient vraiment punies financièrement. Pour que la déresponsabilisation ne puisse plus être un modèle d’affaires.

Plus une compagnie aérienne réussit à remplir ses vols, plus elle est rentable. On comprend ça. Mais passé un certain point, c’est contre-productif. En cas de tempête ou d’imprévu, la compagnie aérienne n’est plus capable d’honorer ses engagements à la reprise des vols dans un délai raisonnable. Il doit y avoir des conséquences financières à traiter ses clients cavalièrement, comme l’a fait Sunwing en décembre.

Ottawa a fait un premier pas en 2019 en créant la « Charte des voyageurs ». La nouvelle réglementation force les compagnies aériennes à rembourser les clients en cas d’annulation (au lieu de simplement offrir un crédit) et à indemniser les clients en cas de surréservation (900 $ à 2400 $) ou de retard de plus de trois heures si c’est la faute de la compagnie aérienne (125 $ à 1000 $).

Le problème, c’est que la Charte des voyageurs est pleine de trous. Certaines compagnies aériennes ne se gênent pas pour les exploiter avec imagination.

Un exemple ? Les compagnies n’ont pas à indemniser les clients pour les retards hors de leur contrôle (météo, problèmes de sécurité). C’est parfaitement normal. Mais certaines compagnies ont tenté d’élargir cette définition de façon déraisonnable, en argumentant que la pénurie de main-d’œuvre est un motif de retard hors de leur contrôle. L’Office des transports du Canada (OTC) leur a finalement donné tort, mais les compagnies ont joué la montre sans conséquence financière.

Pour les Fêtes de 2022, la tempête du 23-24 décembre est un motif de retard exceptionnel hors de leur contrôle. Mais une fois qu’on peut voler à nouveau, l’excuse ne tient plus. Ne pas vouloir noliser un avion ou acheter des sièges d’un concurrent à un coût plus élevé n’est pas une circonstance exceptionnelle justifiée.

Autre problème : l’organisme chargé de faire respecter les droits des voyageurs, l’OTC, est déjà d’une lenteur notoire. Il lui faut… plus d’un an pour commencer à traiter les plaintes ! En pratique, il n’est pas assez proactif dès le début du traitement de la plainte. Ça force les voyageurs lésés à se tourner vers les tribunaux, comme on l’a vu cette semaine avec le dépôt d’une demande d’action collective contre Air Canada.

Aussi, l’OTC utilise rarement son pouvoir d’imposer des pénalités pour mauvaises pratiques. Les compagnies aériennes qui tentent de se défiler ne se font pas taper sur les doigts.

Le site web de l’OTC ne gagnera pas non plus de prix de vulgarisation des droits des passagers. De nombreux voyageurs se tournent plutôt vers l’entreprise VolEnRetard.com, qui s’occupe de votre dossier moyennant une commission en cas d’indemnisation.

Consultez le site de VolEnRetard.com

Quand il a créé sa Charte des voyageurs, le fédéral aurait dû copier la réglementation européenne, qui est plus sévère. Ce n’est pas un hasard si les compagnies d’aviation européennes sont plus fiables.

Avis au gouvernement Trudeau : il n’est jamais trop tard pour bien faire et donner aux voyageurs canadiens les mêmes droits qu’en Europe.

En Europe, la compagnie aérienne doit payer l’hébergement à un client si son vol est retardé au lendemain, peu importe la raison (sauf force majeure comme un tremblement de terre ou l’éruption d’un volcan). Ce n’est pas le cas au Canada. Conséquence : en Europe, dès qu’elles peuvent voler à nouveau après une tempête, les compagnies aériennes ont un intérêt financier à trouver un nouveau vol dans la journée pour leurs clients coincés à l’aéroport. Ça aurait fait une différence au Canada à la fin décembre.

La réglementation européenne ne nuit pas aux compagnies aériennes. En 2022, Air France-KLM a une marge de profit de 15 %, comparativement à 9 % pour Air Canada1. Il y a moyen de faire des profits en offrant un service adéquat à ses clients.

Presque complètement invisible durant les Fêtes, le ministre fédéral des Transports Omar Alghabra a commencé jeudi à réagir dans les médias. Il a ouvert la porte à renforcer la Charte des voyageurs.

Il a vraiment beaucoup de travail devant lui.

1 Marge bénéficiaire avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

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