Assez, c’est assez. Il est temps de mettre en échec, une bonne fois pour toutes, la culture toxique qui empoisonne le sport au Canada. On ne peut plus se contenter d’écouter, impuissants, les histoires d’horreur qui émergent presque chaque semaine.

Dimanche, les nouvelles révélations du Globe and Mail sur le viol collectif qui aurait eu lieu à London, en 2018, en marge d’un gala de l’équipe nationale de hockey junior, étaient aussi sordides que révoltantes.

Un homme plus vieux qui participait à l’évènement dans le cadre de ses fonctions aurait versé de l’alcool dans la bouche de la jeune femme et lui aurait recommandé de « prendre soin » d’un des joueurs. C’est ce joueur qui l’a amenée à sa chambre d’hôtel et qui a texté ses amis pour qu’ils viennent le rejoindre, à l’insu de la présumée victime.

C’est à pleurer.

La semaine dernière, c’était deux joueurs des Voltigeurs de Drummondville qui étaient la cible d’allégations d’agression sexuelle contre une jeune fille de 15 ans, en 2016. Ils étaient accompagnés de Noah Corson, fils de l’ancien joueur du Canadien Shayne Corson, qui réfute les accusations qui le visent aussi.

Loin d’être des anecdotes, ces révélations font écho à plusieurs allégations de viol qui ont éclaboussé des équipes de hockey junior majeur au fil des ans, au Québec comme ailleurs au pays.

Or, les scandales dans le monde du hockey ne sont que la pointe de l’iceberg. Ils doivent servir de moteur pour assainir le climat toxique qui mine tant d’autres sports : le water-polo, le patinage de vitesse, la boxe, le bobsleigh, la natation artistique, la gymnastique, le basketball, le ski alpin…

Des avancées ont déjà eu lieu, comme la mise en place, en juin, d’un Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport qui a pour mandat de traiter les plaintes des athlètes victimes d’abus. Mais pour l’instant, seulement une demi-douzaine de fédérations y adhèrent, quoique la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, menace de couper le financement des récalcitrantes en 2023. Fort bien.

Mais il faut en faire bien davantage. On ne peut pas remettre sur le dos des athlètes vulnérables la responsabilité de dénoncer les abus d’un système dont les valeurs doivent être transformées en profondeur.

Pour vider l’abcès, Ottawa doit mettre en place une commission d’enquête indépendante, comme un nombre croissant d’athlètes le réclame. Cette commission doit être présidée par un juge ou un individu qui n’est pas issu d’une fédération ou d’une organisation sportive, pour être en mesure de poser un regard neuf et totalement impartial sur la situation.

Nous sommes mûrs pour cette grande réflexion collective à laquelle devront être conviés non seulement les athlètes victimes d’abus, mais aussi les entraîneurs, les fédérations sportives, les parents et même le grand public… car nous sommes tous un peu responsables de la culture malsaine dans laquelle baignent nos jeunes.

Quand on se regarde dans le miroir, on voit bien que le sport d’élite est propulsé par la valeur extraordinaire que nous accordons aux médailles. On voit bien que la recherche de la performance à tout prix plonge les athlètes dans un contexte nocif étouffé par la loi du silence des fédérations.

Leur culture sexiste et misogyne mène certains athlètes dans le camp des agresseurs, tandis que leur culture de contrôle et d’abus en place d’autres dans le camp des agressés.

Si on veut assainir le sport, il faut arrêter de mettre sur un piédestal des jeunes qui finissent par s’imaginer que tout leur est permis, même des actes criminels. Il faut aussi cesser de mettre une pression indue sur les épaules des athlètes qui en viennent à croire qu’ils doivent tout endurer pour monter sur le podium.

Non, non et non. Ce n’est pas avec des entraîneurs tortionnaires qui crient à tue-tête et qui font régner un climat de peur qu’on pousse les jeunes à donner le meilleur d’eux-mêmes. Les abus physiques et psychologiques, encore trop fréquents, ne pavent pas la voie vers le succès. Au contraire, ils brisent des vies et font que les jeunes décrochent du sport.

Si le Canada veut se démarquer sur la scène internationale, il doit faire un grand ménage que tous les pays du monde, aux prises avec les mêmes problèmes, ne pourront que saluer.

Agissons. Soyons un modèle. Si le scandale de Ben Johnson en 1998 a poussé le Canada à devenir un champion de l’antidopage, le scandale à Hockey Canada doit nous forcer à devenir un premier de classe dans la lutte contre le sport toxique.

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