On ne fera pas semblant d’être surpris par les constats de la vérificatrice générale du Québec qui s’est penchée sur l’enseignement à distance durant la pandémie.

On se doutait que les élèves en difficulté seraient les grands perdants. Son rapport nous le confirme. Non seulement le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) a tardé à émettre des directives claires aux centres de services scolaires – on peut presque parler d’un printemps 2020 perdu –, mais il ne peut même pas mettre sur pied des mesures de rattrapage adéquates, car il ne « dispose pas d’analyses qui lui permettent d’avoir un portrait complet des retards d’apprentissage. »

Ça fait dur.

Dans son rapport, la vérificatrice générale recommande donc de réaliser des analyses et d’en assurer le suivi. Ça semble une telle évidence que c’est presque gênant de l’écrire. Mais au Québec, les données probantes en éducation sont aussi rares que le Tylenol pour enfants sur les tablettes des pharmacies. Même le nouveau ministre, Bernard Drainville, se plaint de ne pas y avoir accès.

Et quand elles existent, ces données sont tellement bien gardées, avons-nous appris, que la Chaire UNESCO de développement curriculaire, qui mène des études en partenariat avec le MEQ et plusieurs centres de services scolaires, a dû faire une demande d’accès à l’information pour les obtenir alors que tous les organismes concernés avaient donné leur approbation ! On nage en plein délire kafkaïen !

Le rapport de la vérificatrice générale nous apprend en outre que durant la pandémie, certains centres de services scolaires n’avaient toujours pas d’ordinateurs 18 mois après la première fermeture d’école.

Des appareils de vidéoconférence, achetés au coût de 42 millions dollars, dormaient dans des boîtes. Et un programme de tutorat qui a coûté 88 millions de dollars a été élaboré sans savoir quels élèves en auraient vraiment besoin. Et c’est sans compter les problèmes qui existaient déjà avant mars 2020 : manque de compétences numériques des enseignants, inégalités entre le privé et le public, décalages entre les différents centres de services scolaires… Ces problèmes sont encore plus criants aujourd’hui.

La vérificatrice générale n’est pourtant pas la première à sonner l’alarme. L’an dernier, le Conseil supérieur de l’éducation a publié un rapport dans lequel on annonçait déjà la catastrophe à venir : on s’inquiétait des élèves vulnérables qui risquaient, disait-on, de souffrir davantage des effets de la pandémie. On rappelait également l’importance de suivre le parcours des élèves en difficulté tout en insistant sur l’importance de mesurer l’ampleur des retards d’apprentissage.

À ce rapport, il faut ajouter des analyses internes du MEQ ainsi que des sondages effectués auprès d’enseignants. De nombreux drapeaux rouges qui ont été ignorés.

Un an plus tard, on navigue toujours dans un épais brouillard. Or, il est difficile de prévenir les noyades si on ignore qui ne sait pas nager.

C’est d’autant plus vrai pour les élèves qui ont commencé l’école primaire en pleine pandémie. C’est au cours des quatre premières années scolaires qu’un enfant apprend à lire, à écrire et à compter. C’est durant ces années cruciales qu’il adopte des habitudes d’apprentissage qui auront des répercussions jusqu’au secondaire. Or, ces enfants se sont retrouvés à la maison avec un encadrement de qualité variable. Comment savoir qui est à risque quand la première épreuve du Ministère n’a lieu qu’en quatrième année ? Ces cohortes devraient être suivies en priorité si on ne veut pas se retrouver avec une « génération pandémie ».

On devrait s’inspirer de notre voisin ontarien : une simple visite sur le site de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation, et en un coup d’œil, on constate que les résultats des élèves sont à la baisse depuis la pandémie. Même pas besoin du laissez-passer A38 pour avoir accès aux tableaux interactifs. Tout le monde peut les consulter. Qu’est-ce qu’on attend pour en faire autant ?

Pour une province dont le premier ministre répète que l’éducation est une priorité, ce rapport de la vérificatrice générale est une honte, rien de moins.

Consultez le rapport de la vérificatrice générale Consultez le rapport du Conseil supérieur de l’éducation Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion