La pandémie a été dure pour tout le monde. Elle a exercé des pressions sur l’État québécois qui a dû s’adapter pour continuer à offrir ses services à la population. La pénurie de main-d’œuvre a aggravé la situation. Résultat : une suite de dominos qui déboulent et qui, à la fin, heurtent les plus vulnérables de la société.

C’est ce qui ressort du rapport annuel du Protecteur du citoyen déposé jeudi et qui couvre une année complète de crise sanitaire. Ce rapport, c’est un catalogue de tout ce qui n’a pas tourné rond dans l’appareil gouvernemental. Une recension des expériences négatives de citoyens qui se sont souvent heurtés à une bureaucratie rigide ou à des décisions arbitraires.

Un exemple : les services offerts aux aidants naturels et aux aidants de personnes handicapées, ceux et celles vers qui notre système de santé se tourne de plus en plus pour pallier le manque de ressources. Ces aidants avaient droit à un répit. Des lits étaient réservés pour leur proche le temps qu’ils reprennent leur souffle. Or ces lits ont été transformés en places d’hébergement permanentes qui ont ensuite été offertes à d’autres. Conséquence : les aidants naturels, épuisés et découragés, réclament à leur tour des places d’hébergement permanentes pour leur proche. C’est le serpent qui se mord la queue.

Autre exemple : le bris de service, total ou partiel, des activités de jour destinées aux adultes ayant une déficience intellectuelle ou un spectre de l’autisme. Ces personnes vulnérables, qui vivent à domicile, se sont retrouvées isolées et confinées durant la pandémie. Avec pour conséquence un état de dépression ou de régression, au plus grand désespoir de leurs proches aidants.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux s’était pourtant engagé, en 2020, à bonifier l’aide aux proches aidants et à diversifier les répits qui leur étaient destinés. Le Protecteur du citoyen lui rappelle ses engagements et l’invite à leur donner suite rapidement.

Autre clientèle vulnérable ciblée dans le rapport : les personnes vivant en CHSLD. Il y a un an, le Protecteur du citoyen avait déposé un rapport spécial dévastateur sur l’impact de la première année de la pandémie dans ces établissements. Marie Rinfret, qui occupait alors le poste de Protectrice du citoyen, s’était engagée à faire le suivi de l’implantation de ses recommandations. Il faudra attendre le rapport annuel de 2023 pour en savoir plus, mais si le document déposé jeudi est un indicateur, on risque d’être déçus. C’est écrit noir sur blanc : la pénurie de main-d’œuvre met en péril la santé et la sécurité de la clientèle des CHSLD qui subit un nombre grandissant d’erreurs de médication, de reports de bain, etc. Rien de rassurant.

Pris un à un, les cas cités dans ce rapport peuvent parfois paraître anecdotiques ou banals. Dans bien des cas, les plaintes traitées par le Protecteur du citoyen – plus d’une dizaine de milliers – se sont réglées par un coup de téléphone ou la révision d’un dossier. Mais certaines plaintes révèlent des lacunes plus profondes vécues par des citoyens très vulnérables.

C’est ce qui doit retenir notre attention. Ces situations inacceptables risquent de se cristalliser si rien n’est fait.

Ce que veut nous dire le Protecteur du citoyen, c’est de porter attention à la dégradation progressive et généralisée des services offerts par l’État. À leur déshumanisation aussi.

Marc-André Dowd, qui a succédé à Marie Rinfret en mars dernier, s’engage à porter une attention particulière aux clientèles vulnérables au cours de son mandat de cinq ans. Il a bien raison.

Il faut rester vigilants dans un contexte où la pandémie et les nombreuses pénuries ont le dos large. Elles ne justifient pas tout.

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