Le Québec pourrait-il fonctionner sans le travail des organismes communautaires ?

La réponse est non. Absolument pas.

La province compte environ 8000 organismes communautaires, qui emploient plus de 70 000 personnes. Ils œuvrent dans tous les secteurs de la société. Auprès des personnes âgées et des jeunes en difficulté. En santé mentale. En dépendance. En francisation. Auprès des femmes victimes de violence, des jeunes familles, des gens en recherche d’emploi. Ils offrent de l’accompagnement, de l’écoute, des denrées, des vêtements, des visites à domicile.

Les organismes communautaires sont un rouage indispensable de la société québécoise.

Le reportage de notre collègue Suzanne Colpron publié dimanche dernier montre à quel point leur travail est essentiel. En plus de ses activités régulières, l’organisme Entre mamans et papas aide 700 familles, des demandeurs d’asile haïtiens pour la plupart. Des migrants en mode survie qui ont besoin de tout : nourriture, vêtements, accompagnement. Sans le travail de cet organisme situé dans Hochelaga-Maisonneuve, ces familles seraient complètement démunies.

Lisez le reportage « La face cachée de l’arrivée des migrants »

En itinérance, l’importance des groupes communautaires n’est plus à démontrer. On le voit ces jours-ci alors qu’on tente de régler les problèmes de cohabitation au Palais des congrès à l’approche de la COP15.

La vérité, c’est que le milieu communautaire intervient là où l’État s’est retiré. Il raccommode les mailles d’un filet qui échappe de plus en plus d’individus.

Et avec la situation économique difficile, plusieurs organismes disent aider une clientèle qui n’avait jamais eu besoin de leurs services jusqu’ici.

Bref, on leur en demande beaucoup.

Est-ce qu’on leur accorde une reconnaissance à la hauteur de leur travail et de leur contribution ? Encore une fois, la réponse est non. Absolument pas.

Ah oui, on prend le temps de les remercier. On répète à quel point leur travail est précieux. Combien leur apport a été important durant la pandémie.

« Words are cheap », comme disent les Anglais. Les mots ne suffisent pas. Les travailleurs du milieu communautaire méritent des budgets, un salaire et des conditions de travail à la hauteur de l’importance de leur travail.

Le salaire horaire moyen dans le secteur communautaire est de 19,82 $ pour les femmes et de 20,34 $ pour les hommes, selon des données de 2018 qui seront bientôt mise à jour. C’est nettement inférieur au salaire moyen de 25,42 $ l’heure pour l’ensemble du Québec.

Quant aux conditions de travail, elles ne se comparent pas à celles du secteur public : seulement 36 % des employés du communautaire ont accès à un régime de retraite ou à un REER avec contribution de l’employeur, alors qu’un peu plus du tiers (40 %) bénéficient d’un plan d’assurance collective.

La pénurie de main-d’œuvre accentue ces disparités. La moitié des organismes disent éprouver des difficultés à recruter des candidats et à former une relève.

Le plan d’action gouvernemental 2022-2027, présenté en mai dernier par le ministre du Travail Jean Boulet, prévoit 1,1 milliard de dollars sur cinq ans pour le milieu communautaire. C’est insuffisant. Les organismes doivent compléter leur financement par des dons de fondations privées et des levées de fonds, ce qui représente encore plus de travail pour eux.

Et comme s’il n’y avait pas suffisamment de défis, plusieurs organismes communautaires ont de plus en plus de difficulté à se loger à coût raisonnable. À Montréal, la hausse de loyers au centre-ville et la gentrification en forcent certains à s’éloigner physiquement de leur champ d’intervention, ce qui est absurde puisque leur travail se fait avant tout « sur le terrain ».

Il faut souhaiter que le programme d’accompagnement prévu dans le plan d’action, attendu pour l’an prochain, vienne régler ce problème une fois pour toutes.

Soyons cohérents. Si tous les organismes communautaires fermaient leurs portes demain matin, ce serait le chaos. Si on juge que leur travail est indispensable, offrons-leur des conditions conséquentes.

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