Pour célébrer son cinquième anniversaire à la tête de la Montréal, cette semaine, Valérie Plante s’est offert un beau cadeau : un forum sur la fiscalité municipale.

Attention, chers citoyens, ça va être votre fête !

Chaque année, on vous demande de faire un chèque. À l’avenir, on voudrait aussi avoir accès à votre carte de crédit, votre carte bancaire et pourquoi pas votre NIP pour faire un petit virement électronique de temps à autre !

Ce n’est qu’une image pour dire que les villes et les municipalités aimeraient diversifier leurs sources de revenus.

Les taxes foncières ne leur suffisent plus.

Pourtant, la prochaine hausse risque d’être salée, inflation oblige, comme on le verra lorsque les villes déposeront leur budget, au cours des prochaines semaines. Montréal, qui fera l’exercice le 29 novembre prochain, a déjà laissé entendre que l’augmentation oscillera entre 3 et 6 %, ce qui touchera autant les propriétaires que les locataires, par la bande.

Mais pour les villes, ce n’est pas assez : « La contribution des autres paliers gouvernementaux est cruciale », explique le document de référence du forum qui s’est tenu lundi.

Mais de quoi les villes se plaignent-elles ?

Après tout, les taxes foncières leur offrent beaucoup d’avantages. Elles constituent, entre autres, une source de revenu stable, moins sensible aux cycles économiques que les taxes à la consommation ou les impôts sur le revenu.

Mais pour les villes, les taxes foncières ont un vilain défaut : elles sont très visibles. Cela suscite donc la grogne des propriétaires lorsqu’ils reçoivent leur compte une fois par année.

La hausse saute aux yeux. Les propriétaires peuvent la chiffrer au dollar près, alors qu’ils ne réalisent pas qu’ils ont payé plus en impôt et en taxe à la consommation cette année, ce qui a discrètement rempli les coffres de Québec.

Pour les individus, les taxes foncières ont aussi l’inconvénient de ne pas être arrimées à leurs revenus. Ainsi, un propriétaire dont la maison a pris énormément de valeur peut voir son compte de taxes exploser, même si ses revenus stagnent. Cette dynamique peut étouffer des résidants de longue date dans des quartiers qui se sont embourgeoisés.

Ils sont riches en actifs, mais pauvres en revenus.

Montréal ne lève pas le nez sur la taxe foncière. Elle veut surtout plus d’argent de Québec.

À court terme, on peut dire que son forum, planifié avant les élections pour faire pression sur le gouvernement, a déjà porté ses fruits.

En campagne, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’est engagée à verser 250 millions sur 5 ans pour embaucher des policiers, ce qui était pleinement justifié avec les fusillades en série. François Legault a aussi ouvert la porte à un « pacte vert » pour aider les villes à s’adapter aux changements climatiques qui les frappent de plein fouet.

Mais les villes, qui n’aiment pas quémander à la pièce, préparent le terrain pour le renouvellement du Pacte fiscal, en 2024. Objectif : un financement pérenne de Québec.

Ce serait, en quelque sorte, un retour dans le passé.

Avant les années 1980, les villes recevaient des subventions provinciales calculées par tête de pipe. Elles touchaient aussi à une partie de la TVQ (2 % allaient à la ville où la transaction avait lieu, 2 % aux autres villes de la région).

Puis Québec a voulu donner davantage d’autonomie aux villes. Le gouvernement leur a cédé l’espace de taxation foncière qui était largement occupé par les commissions scolaires. Aujourd’hui, l’éducation est presque entièrement financée par Québec, ce qui est une bonne chose pour assurer l’uniformité des services.

Avec leur demande, les villes veulent le beurre et l’argent du beurre : garder les taxes foncières et récupérer du financement de Québec.

En fait, les villes préféreraient ne pas porter l’odieux d’augmenter les taxes elles-mêmes. Mais avant de réclamer davantage d’argent à Québec, elles devraient utiliser les généreux pouvoirs de taxation qu’elles ont obtenus ces dernières années, mais qui restent sous-utilisés.

Par exemple, en utilisant davantage l’écofiscalité, selon un principe d’utilisateur payeur, elles favoriseraient les comportements plus responsables, comme on le voit en Ontario, avec les programmes « Payez en fonction de ce que vous jetez » qui incitent les ménages à réduire les déchets.

Évidemment, on ne peut pas nier que les grandes villes sont sous pression, face à de nouveaux défis comme la crise du logement, l’itinérance ou les enjeux environnementaux.

Mais ces enjeux, ce sont beaucoup les organismes communautaires qui s’en occupent à bout de bras sur le terrain, avec une rémunération bien inférieure aux employés municipaux. Ce sont eux qui devraient obtenir davantage de financement récurrent de Québec, en priorité.

Et n’oublions pas que Québec sera aussi sérieusement sous pression ces prochaines années, avec les besoins criants en éducation et en santé. Si le gouvernement verse davantage d’argent aux villes, il devra forcément augmenter les taxes ou les impôts. Et à la fin, l’argent sortira de la même poche. La vôtre.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion
En savoir plus
  • 63 %
    Proportion des revenus de la Ville de Montréal qui proviennent de la taxation
    Source : Budget 2022, Ville de Montréal
    22 %
    Proportion des revenus de la Ville de Montréal qui proviennent des services rendus et d’autres revenus
    Source : Budget 2022, Ville de Montréal
  • 8 %
    Proportion des revenus de la Ville de Montréal qui proviennent des quotes-parts des villes reconstituées
    Source : Budget 2022, Ville de Montréal
    7 %
    Proportion des revenus de la Ville de Montréal qui proviennent des transferts du gouvernement
    Source : Budget 2022, Ville de Montréal