« Bof ! »

C’est la réaction habituelle, aux États-Unis comme ailleurs, à l’égard des élections de mi-mandat. Et c’est un peu normal. En politique américaine, la quête du Saint-Graal, c’est la course à la présidence.

Cette année, c’est différent.

De nombreux Américains ont l’impression que le ciel est sur le point de leur tomber sur la tête.

La raison est aussi simple qu’évidente : l’avenir de la démocratie américaine pourrait se jouer lors de ce scrutin. C’est d’ailleurs ce que Joe Biden et Barack Obama ont répété au cours des derniers jours avec un sentiment d’urgence particulièrement aigu.

Le spectre du trumpisme plane au-dessus de ces élections, un peu comme un vautour qui guette sa proie.

Un échec retentissant des démocrates pourrait être l’équivalent d’un séisme dont les répliques se feraient sentir jusqu’à la prochaine élection présidentielle.

Depuis la défaite de Donald Trump en 2020 contre Joe Biden, l’ancien président et ses alliés tentent de mettre en place une infrastructure, dans divers États, qui leur permettrait de peser sur le résultat de la course à la Maison-Blanche en 2024.

Le milliardaire républicain n’a jamais digéré sa défaite. Et il craint d’être condamné à perdre, à l’avenir, s’il respecte les règles du jeu. Par conséquent, il cherche des moyens créatifs de les contourner.

Et comme aux États-Unis le pouvoir d’administrer les élections fédérales repose entre les mains des divers États, il y a des brèches dont il est possible de profiter si on veut faire dérailler le scrutin présidentiel de 2024.

L’idée cette fois est de faire élire des alliés indéfectibles de Donald Trump dans des postes liés au dépouillement des votes ou à la certification des résultats. Les membres des deux chambres du Congrès américain, bien sûr. Mais aussi au sein des États, des gouverneurs et des secrétaires d’État.

On a appris, au cours des dernières semaines, que la majorité des candidats républicains dans ces postes clés ont déjà réfuté ou mis en doute la victoire de Joe Biden en 2020, adhérant au « grand mensonge » de Donald Trump, qui continue de prétendre qu’il a gagné.

On comprend donc que les enjeux des élections de mi-mandat, cette année, sont bien différents de ceux des dernières décennies (certains des candidats républicains pourraient d’ailleurs refuser de reconnaître leur propre défaite s’ils sont battus).

Parce qu’en général, à Washington, ce scrutin est considéré comme un simple référendum sur le président américain, deux ans après son élection.

En revanche, ce qui ne semble pas vouloir changer cette année, c’est que généralement, le président au pouvoir perd des plumes lors des élections de mi-mandat. C’est-à-dire des sièges dans l’une des chambres du Congrès américain, voire dans les deux.

Soulignons que Joe Biden ne suscite pas un grand enthousiasme. Son taux d’approbation a chuté à 38 %, selon un sondage effectué à la mi-octobre par le Pew Research Center.

Il est donc aussi impopulaire que Donald Trump l’était deux ans après avoir été élu. Ce n’est pas très bon signe.

Bien sûr, les sondages révèlent que l’état de la démocratie inquiète de nombreux Américains. C’est à leurs yeux une question fondamentale.

Le problème, c’est que ça demeure un enjeu un peu trop abstrait lorsqu’on a du mal à payer son plein d’essence et qu’on doit jongler pour régler le reste des factures alors que l’inflation continue de faire des ravages.

Même le recul historique du droit à l’avortement aux États-Unis, qui a mobilisé tant d’électeurs dans la foulée de la décision de la Cour suprême qui a enterré l’arrêt Roe c. Wade (en juin dernier), ne semble plus jouer autant en faveur des démocrates que ce qu’ils avaient cru il y a quelques mois.

Tout porte à croire, comme l’expliquait la journaliste Judith Lachapelle récemment dans un reportage en Arizona, qu’une bonne partie des Américains vont cette année voter avec leur portefeuille.

Espérons pour l’avenir des États-Unis – et le nôtre, par ricochet – qu’ils n’oublieront pas que la démocratie aussi a un prix.

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