Dix ministres des transports, 5 maires de Montréal, 5 maires de Laval… Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle version de la comptine de la Souris verte. C’est le nombre d’élus au pouvoir depuis que le SRB Pie-IX a été inscrit dans le plan de transport de la Ville de Montréal… en 2007. On ne refera pas la genèse de ce service rapide par bus qui accueille (enfin !) ses premiers passagers ce lundi, mais rappelons seulement qu’on discute d’un moyen de transport collectif structurant sur le boulevard Pie-IX depuis… l’ère Drapeau.

Oui, on peut se réjouir de l’entrée en fonction de ce service rapide par bus qui reliera Laval au métro Pie-IX. Mais disons-le, le SRB Pie-IX est le symbole de tout ce qui ne tourne pas rond dans la planification et le développement des transports collectifs au Québec, et plus précisément dans le Grand Montréal : manque de planification, retard, sous-investissement (le gouvernement a toujours priorisé les infrastructures routières aux infrastructures de transport collectif), déficits d’entretien, problèmes de gouvernance… on commence à connaître le diagnostic. Mais qu’est-ce qu’on attend pour administrer le remède ?

Nos besoins en transport collectif sont plus criants que jamais, des besoins amplifiés par l’urgence climatique et la nécessité de réduire notre dépendance à l’auto.

Or, non seulement on ne développe pas les nouveaux projets assez vite, mais on n’arrive même pas à rattraper le temps perdu, que plusieurs évaluent à plus ou moins 40 ans. En d’autres mots, on finance aujourd’hui des projets qui auraient dû voir le jour hier. Un retard d’autant plus difficile à rattraper que même si on faisait pleuvoir les dizaines de milliards de dollars requis, il n’y aurait pas assez de main-d’œuvre pour mener plusieurs grands chantiers de front. Un problème qui aurait pu être évité si on avait mieux planifié les projets comme le font plusieurs villes canadiennes, Ottawa et Vancouver par exemple. (Seule exception : le REM. Un projet développé par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui a bénéficié de pouvoirs exceptionnels pour développer son projet.)

Le prolongement de la ligne bleue l’illustre bien : on en est seulement à l’étape des travaux préliminaires alors qu’on parle de ce prolongement depuis 35 ans (!). On devrait déjà plancher sur le prolongement de la ligne orange et de la ligne jaune. Autre exemple : on étudie encore les options pour un transport structurant vers le sud-ouest et vers l’est de Montréal, mais entre-temps, on aurait pu développer d’autres lignes d’autobus rapides pour desservir ces enclaves.

Le problème, c’est qu’on semble incapable de mener plusieurs projets de front.

Faudra-t-il attendre l’inauguration d’une nouvelle station de la ligne bleue dans sept ans avant de débuter un autre grand projet ?

L’urgence climatique n’est pas la seule raison qui devrait nous convaincre d’appuyer sur l’accélérateur. Dans la grande région métropolitaine, les 25 prochaines années seront marquées par trois chantiers de réfection majeurs : le pont-tunnel Louis-Hippolyte La Fontaine, l’autoroute Ville-Marie et l’autoroute Métropolitaine (la 40).

Des travaux, précisons-le, financés à 100 % par Québec, qui ne finance que 85 % des travaux de réfection des infrastructures de transport collectif. Voilà une aberration à corriger rapidement pour qu’on puisse rajeunir notre métro qui, faut-il le rappeler, a le même âge que le pont-tunnel et la métropolitaine : 50 ans. Il a besoin d’une sérieuse mise à niveau lui aussi.

À l’heure qu’il est, nos spécialistes de la planification des transports collectifs et de la mobilité devraient donc être en train de s’assurer qu’il y a suffisamment d’options dans la région métropolitaine pour se déplacer rapidement et confortablement au cours des 25 prochaines années. En même temps, ils devraient planifier les grands projets de transport des 50 prochaines années. Est-ce trop demander ?

Cette incapacité à marcher et mâcher de la gomme en même temps met en lumière les deux points faibles que sont la gouvernance et le financement des transports publics au Québec.

On tourne autour du pot depuis trop longtemps : Montréal devra se décider à utiliser les pouvoirs de taxation à sa disposition pour créer un fonds dédié au financement des grands projets de transports collectifs. L’inertie dans ce dossier nous fait mal. Il faudra également s’attaquer au tabou de la politisation de nos transports collectifs. Le développement d’un axe de transport doit reposer sur des données probantes, pas sur la couleur politique ou l’humeur changeante des gouvernements.

Rectificatif
Le texte a été modifié afin de corriger le nombre de maires de Montréal depuis que le SRB Pie-IX a été inscrit dans le plan de transport de la Ville, en 2007, soit cinq et non sept.

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