C’est un très bel outil qui manque à notre Assemblée nationale. Un outil qui favoriserait la transparence et la saine gestion de nos finances publiques. Qui donnerait du levier aux oppositions affaiblies par le dernier scrutin.

Il y a déjà 10 ans, le premier ministre François Legault réclamait cet outil, alors qu’il était lui-même sur les banquettes de l’opposition. Au fil des ans, plusieurs projets de loi ont été déposés en ce sens, tant par la Coalition avenir Québec (CAQ) que le Parti québécois (PQ) et Québec solidaire (QS).

Et puis ? Rien.

Il est incroyable que, malgré cette belle unanimité, le Québec tarde à se doter d’un directeur parlementaire du budget, alors qu’Ottawa en a un depuis 2006 et l’Ontario depuis 2013.

Qu’attendons-nous pour leur emboîter le pas ?

Comme un arbitre qui se place au-dessus de la mêlée, un directeur parlementaire du budget fournirait une information financière neutre et fiable qui élèverait la qualité des débats au Salon bleu. Il faciliterait aussi le travail de l’opposition, en menant des analyses spécifiques à la demande des parlementaires.

Une telle innovation arriverait à point nommé, alors que le scrutin de lundi a donné lieu à des distorsions électorales majeures. La CAQ, qui a raflé 72 % des sièges avec seulement 41 % des votes, laisse les partis de l’opposition mal équipés pour représenter la majorité des électeurs qui ont voté en leur faveur.

Petit rappel : même si QS et le PQ ont obtenu davantage de votes que les libéraux, ils n’ont pas accès de facto au statut de groupe parlementaire, qui requiert au moins 12 députés ou 20 % des voix.

Or, c’est ce fameux statut qui détermine les budgets de recherche et les temps de parole en Chambre, ce qui donne aux partis les moyens de bien défendre les intérêts des électeurs.

À chaque élection, les partis qui n’ont pas le niveau requis doivent négocier à la carte. Ce n’est pas normal. Il faut moderniser une fois pour toutes le Règlement de l’Assemblée nationale afin que l’opposition puisse jouer son rôle essentiel de chien de garde de notre démocratie.

Heureusement, la graine est déjà semée. En 2020, le gouvernement avait présenté un projet de réforme complète des rouages de l’Assemblée nationale.

La CAQ y suggérait d’abaisser la barre pour permettre à un parti d’atteindre le statut de groupe parlementaire avec 8 députés ou 15 % des voix. Mais en ce moment, ce ne serait pas suffisant pour le PQ. Et encore moins pour le Parti conservateur.

Pour s’adapter à la multiplication des partis, il faudrait donc réduire le seuil davantage comme le préconisaient le PQ (6 députés ou 10 % des voix) et QS (3 députés ou 8 % des voix).

Mais revenons au directeur parlementaire du budget, une idée que la CAQ avait aussi intégrée dans sa réforme de l’Assemblée nationale.

Ça semble un peu technique, mais la création d’un tel poste permettrait de veiller au respect de nos lois budgétaires. D’évaluer la soutenabilité budgétaire de la province à long terme. De chiffrer le coût des promesses électorales et des dépenses publiques. De s’assurer que le plan d’entretien de nos infrastructures n’est pas dans le champ.

À ceux qui s’inquiètent des coûts d’une nouvelle structure, sachez que le bureau du directeur parlementaire du budget du Canada, qui compte près de 40 employés, s’en est tiré avec un budget de 7,2 millions en 2021.

Or, cette dépense est plutôt un investissement, car les travaux du directeur ont permis de prendre de meilleures décisions, à l’abri de la partisanerie.

Plusieurs de ses rapports, notamment sur l’achat d’avions de chasse et de navires des Forces armées ou sur la légalisation du cannabis, ont élevé la qualité des débats et contribué aux décisions du gouvernement, souligne une étude récente de la Chaire en fiscalité et en finances publiques1.

Ce genre d’éclairage est nécessaire au Québec également. Depuis 10 ans qu’on en parle, il est temps de créer un directeur parlementaire du budget.

1. Consultez l’étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion