Alors que la campagne arrive en fin de parcours, l’équipe éditoriale de La Presse poursuit sa série d’analyses sur les grands sujets qui retiennent l’attention des électeurs. Aujourd’hui, Stéphanie Grammond braque les projecteurs sur l’économie. Bonne lecture !

François Legault a raison de vouloir faire de l’économie la question de l’urne. Après avoir dérapé sur l’immigration, le racisme systémique et le troisième lien, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) tente de recadrer le débat sur ce qui préoccupe le plus les électeurs : leur portefeuille.

En ce moment, les finances personnelles sont la plus grande source de stress des ménages, devançant même la santé, selon un récent sondage Léger.

Rien d’étonnant, car l’inflation continue de ronger leur pouvoir d’achat, en particulier à l’épicerie. Et la hausse de taux d’intérêt, essentielle pour calmer le jeu, mine encore plus le budget des familles endettées. Ce coup de frein risque d’ailleurs de provoquer une récession l’année prochaine. Déjà, les pertes d’emplois s’accumulent depuis trois mois.

Malgré toute l’incertitude économique, les politiciens se sont lancés dans une surenchère de promesses de baisses d’impôt. Mais il n’y a pas de miracle : si les contribuables en ont plus dans leurs poches, l’État devra se serrer la ceinture… et trimer dans le financement de nos services et de nos infrastructures.

Au débat des chefs, jeudi, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, parlait d’un « aller simple pour l’austérité », lui qui avait résisté à la tentation électoraliste d’offrir des baisses d’impôt généralisées.

On ne peut pas en dire autant de la CAQ. Avec une victoire quasi assurée, François Legault n’avait pourtant pas besoin de promettre de nouveaux chèques et une réduction de 1 point de pourcentage des deux premiers paliers d’imposition.

Mais bien sûr, c’est Éric Duhaime, fidèle à la philosophie libertarienne, qui promet les baisses les plus considérables, avec notamment une augmentation du montant de base qu’un Québécois peut gagner à l’abri de l’impôt et une réduction de 2 % des deux premiers paliers d’imposition.

Sauf que pour revenir à l’équilibre budgétaire dans trois ans, Éric Duhaime prévoit mettre l’État au pain sec et à l’eau. Si les années d’austérité de l’ère Couillard vous ont fait bougonner, le plan conservateur vous fera rugir.

On dit austérité, mais en réalité, les libéraux n’ont jamais réduit ni même gelé les dépenses de l’État. Durant l’année la plus douloureuse, en 2015, il y a quand même eu une croissance des dépenses de programmes de 1 %.

Les conservateurs, eux, prévoient une véritable année de gel en 2024. Avec l’inflation élevée, ça équivaut à une baisse. Ayoye, docteur !

Bien sûr, on peut éliminer le gaspillage et améliorer la productivité, mais il ne faut pas tomber dans la pensée magique. Il y a des limites à geler les budgets sans que les services y goûtent et que la population monte aux barricades. Les libéraux s’en souviennent…

Justement, on dirait que Dominique Anglade veut tellement se dissocier des années Couillard qu’elle va maintenant à l’autre extrême. Elle offre aussi des baisses d’impôt majeures (1,5 point de moins pour les deux premiers paliers d’imposition). Et elle laisse les déficits augmenter sans cesse avec les années.

En fait, le PLQ n’a pas l’air de se soucier du fait qu’il est le seul parti sans objectif de retour à l’équilibre budgétaire sur un horizon prévisible. Pourvu que Québec ne fasse que des « petits » déficits. Pourvu que le ratio dette/PIB ne fasse pas mauvaise figure par rapport aux voisins. Tout va bien, madame la marquise !

On croirait entendre Justin Trudeau.

En outre, le PLQ ne s’est pas gêné pour éliminer le coussin de sécurité de deux milliards par année pour faire face aux risques économiques. Pouf ! Disparu. Comme dans le cadre financier du PQ d’ailleurs.

Pourtant, ce ne sont pas les risques qui manquent, alors que les fermetures en Chine continuent de perturber nos chaînes d’approvisionnement et que la guerre en Ukraine crée une crise énergétique en Europe.

Dans ce contexte, il vaudrait mieux garder nos munitions et miser sur des mesures ciblées pour nous attaquer à nos problèmes économiques, comme la pénurie de main-d’œuvre qui alimente l’inflation.

Ici, on peut féliciter caquistes, péquistes et libéraux qui proposent de rendre facultatives les cotisations au Régime des rentes du Québec pour les travailleurs de 65 ans et plus qui seront plus enclins à rester sur le marché du travail.

Mais il ne faut pas pencher dans l’autre extrême non plus, comme Québec solidaire qui est le champion des nouvelles dépenses. Les causes sont nobles : lutte contre la pauvreté, plan climat, nouveau programme d’assurance dentaire… la liste est longue.

Mais pour payer le tout, Gabriel Nadeau-Dubois ajoutera toutes sortes d’impôts critiquables. Imposer les actifs supérieurs à un million de dollars sera un coûteux cauchemar administratif, puisqu’il faudra évaluer tous les biens des Québécois chaque année. Hausser le taux marginal d’imposition jusqu’à 57 % à partir de 200 000 $ risque de ne pas rapporter l’argent prévu, car la mesure découragera le travail.

Faut-il rappeler que le Québec est déjà le champion de la redistribution de la richesse ? Que le poids de la fiscalité y est plus élevé que partout en Amérique du Nord ?

On ne veut pas de baisses d’impôt qui hypothéqueraient encore plus nos services. Mais on ne veut pas non plus d’une flambée des dépenses qui ferait dérailler notre budget.

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