Alors que la campagne arrive en fin de parcours, l’équipe éditoriale de La Presse poursuit sa série d’analyses sur les grands sujets qui retiennent l’attention des électeurs. Aujourd’hui, Vincent Brousseau-Pouliot braque les projecteurs sur le secteur de la santé. Bonne lecture !

Qu’est-ce qui risque d’arriver en premier au Québec :

  1. le CH remporte sa 25e Coupe Stanley ;
  2. Tous les Québécois ont accès à un médecin de famille ?

Les partisans du Tricolore ont beau attendre depuis 1993, comme nous sommes au début d’une nième reconstruction au Centre Bell, il leur faudra aiguiser leur patience pendant plusieurs années avant que l’équipe de hockey ait une chance réaliste de remporter la Coupe Stanley.

Cela dit, vous devriez quand même choisir le CH comme réponse.

Car le gouvernement qui sera élu le 3 octobre a une tâche titanesque devant lui en santé.

Les Québécois ont raison d’être déçus et exaspérés des ratés de notre système de santé. Nous avons l’un des systèmes les mieux financés au monde (2e système le mieux financé sur 39 États comparables de l’OCDE), mais aussi l’un des moins efficaces pour l’accès en première ligne ou à un médecin spécialiste.

10e rang

Le Canada se classe au 10e et dernier rang sur 10 pays comparables de l’OCDE pour l’accès à un professionnel de la santé le jour même (accès à un médecin de famille). Le Canada se classe 9e sur 10 pays comparables de l’OCDE pour l’accès à un rendez-vous avec un spécialiste (en moins d’un mois). Le Québec est généralement en deçà de la moyenne canadienne. Liste des 10 pays : Canada, Allemagne, Pays-Bas, Australie, Nouvelle-Zélande, France, Royaume-Uni, Suisse, Norvège, Suède⁠1.

Depuis quatre ans (d’accord, il y a eu la pandémie), la situation a empiré. L’accès à un médecin de famille a légèrement reculé (il y a deux fois plus de gens en attente d’un médecin) et le temps d’attente aux urgences et pour les interventions chirurgicales a augmenté.

Quand il a présenté sa « refondation » du système de santé au printemps dernier, le ministre de la Santé Christian Dubé parlait d’un plan de cinq ans à dix ans. Les experts estiment qu’il faudra une décennie à Québec pour atteindre ses objectifs.

La Coalition avenir Québec a un bon plan de match à long terme. Tous les grands objectifs du gouvernement Legault sont d’ailleurs partagés par le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti québécois :

  • Mieux traiter les employés du réseau et leur offrir de meilleures conditions de travail (on ne parle pas de salaires, mais de conditions de travail) ;
  • Améliorer l’accès aux services de première ligne (les groupes de médecine familiale) ;
  • Désengorger les urgences (54 % des visites aux urgences pourraient être traitées en première ligne) ;
  • Augmenter les responsabilités des infirmières, des psychologues et des autres professionnels en première ligne ;
  • Mettre fin au « temps supplémentaire obligatoire » ;
  • Augmenter de façon importante le financement des soins à domicile ;
  • Revoir le mode de rémunération des médecins pour qu’ils délèguent davantage (ils veulent le faire !) et prennent plus de patients en charge ;
  • Informatiser le réseau ;
  • Décentraliser ;
  • Avoir des données fiables pour mesurer les progrès.

Ce plan est simple en théorie. Le principal problème pratique à court terme : il manque de médecins de famille, d’infirmières (il en faudrait au minimum 8 % de plus), de psychologues et de préposés aux bénéficiaires.

En 2018, la CAQ avait une promesse phare en santé : un médecin de famille pour chaque Québécois au cours du mandat. Pandémie ou pas, elle n’y serait sans doute pas arrivée.

Cette fois-ci, la CAQ promet qu’on passera de 80 % à 85 % des Québécois inscrits auprès d’un groupe de médecine familiale (GMF) d’ici quatre ans. Et que les patients orphelins de GMF auront accès à un professionnel de la santé (médecin, pharmacien, infirmière, etc) au besoin en 36 heures par l'entremise du nouveau guichet d’accès. Ça reste à voir.

De son côté, le PLQ promet un médecin de famille pour tous les Québécois d’ici quatre ans. C’est étonnant venant des libéraux, qui ont un lourd passif en gestion du réseau de la santé (la réforme Barrette).

Aussi, il ne faut pas se faire d’illusions : peu importe qui est élu le 3 octobre, les Québécois n’auront vraisemblablement pas tous un accès réel à un médecin de famille d’ici quatre ans. Il manque actuellement 1000 médecins de famille, et il faut sept ans pour en former un. À part aller chercher davantage de médecins à l’étranger, il n’y a pas de solution miracle.

À long terme, les libéraux ont toutefois une bonne idée : ajouter 1000 places d’admission en médecine. Sur le terrain, le défi sera de former ces recrues en milieu hospitalier.

De son côté, QS se distingue en misant davantage sur les CLSC ouverts 24/7 et une assurance dentaire publique. QS et les libéraux veulent aussi un programme public pour la santé mentale.

Le Parti québécois veut aussi miser sur les CLSC et a le virage le plus ambitieux de tous les partis en matière de soins à domicile (3 milliards par an). Le PQ souhaite aussi abandonner le modèle des maisons des aînés. Sur ce dernier point, dans le contexte budgétaire actuel, le PQ a raison : difficile de justifier de très belles maisons des aînés à 800 000 $ la chambre alors qu’il en coûte moins de 300 000 $ la chambre en CHSLD dans des projets privés et qu’on doit aussi investir massivement en soins à domicile.

Le Parti conservateur du Québec, lui, propose ce qu’il ne faut PAS faire : permettre d’avoir des assurances privées pour des soins couverts au public, ce qui encouragerait un système de santé à deux vitesses.

Notre réseau de la santé a plusieurs problèmes. Mais il a deux très grandes qualités qu’on a tendance à oublier. Une fois qu’on est pris en charge, on a des soins de qualité qui ne dépendent pas de la grosseur de notre portefeuille.

1. Source : Institut Fraser

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