Alors que la campagne arrive en fin de parcours, l’équipe éditoriale de La Presse poursuit sa série d’analyses sur les grands sujets qui retiennent l’attention des électeurs. Aujourd’hui, Philippe Mercure braque les projecteurs sur l’éducation. Bonne lecture !

Appelez ça un sommet, des états généraux, une grande réflexion collective, peu importe. Mais le gouvernement qui prendra le pouvoir à Québec le 4 octobre devra trouver une façon de brasser des idées en éducation et de remettre le sujet au sommet de nos priorités.

Ce choc des visions, on l’aurait espéré pendant la campagne électorale. En vain. Certes, les plateformes électorales des partis ne sont pas complètement vides de propositions en éducation.

La promesse la plus radicale est certainement celle de Québec solidaire et du Parti québécois, qui veulent abolir graduellement le financement des écoles privées.

Voilà une révolution qui bouleverserait le paysage de l’éducation québécoise et dont il faut débattre. Il est d’ailleurs stupéfiant que cela n’ait pas soulevé plus de discussions.

La Coalition avenir Québec (CAQ) promet une plateforme web pour accroître l’offre de services pour les élèves en difficulté. Le Parti libéral et Québec solidaire veulent rendre gratuits les projets pédagogiques particuliers (genre sport-études) dans les écoles publiques. Le Parti québécois et le Parti conservateur veulent intégrer 30 minutes d’activité physique par jour du CPE au secondaire. Ce dernier veut aussi permettre aux parents de choisir l’école de leurs enfants et promet de créer des classes spéciales pour les élèves de haut niveau.

Bref, il y a des choses sur la table. Mais on a un peu l’impression que devant un patient aux soins intensifs, les partis sont en train de proposer des menus santé et des exercices de yoga. Bref, qu’on n’ose pas s’attaquer de front à nos vrais problèmes.

Sous la pression des journalistes, les chefs prononceront sans doute de vibrantes paroles d’ici l’élection afin de sauver la mise, notamment lors du dernier débat ce jeudi soir.

Mais force est de constater que le thème de l’éducation n’a pas « pris » pendant la campagne. Il ne soulève ni passions ni débats. On ignore si la question de l’urne sera l’économie, l’environnement, la santé ou l’immigration. Mais on sait une chose : ce ne sera pas l’éducation.

Vu l’état de notre réseau, c’est aussi étonnant que malheureux.

Quand vous achetez une voiture, vous vous attendez à ce qu’elle ait quatre roues et un volant. Cela va de soi. C’est le strict minimum.

Pour un élève, le strict minimum acceptable repose sur deux choses :

- un prof compétent devant lui;

- une école dont le toit ne coule pas, dont les fenêtres peuvent s’ouvrir et dont les murs ne sont pas infestés de moisissures.

Ce minimum, on n’est même pas en mesure de l’offrir à tous les élèves de la province.

À la rentrée scolaire, il manquait 700 profs dans nos classes. Et 59 % de nos écoles sont en « mauvais » ou « très mauvais » état, selon le Plan québécois d’infrastructures. C’est tout simplement inacceptable.

Tous les partis, à l’exception du Parti conservateur, ont chiffré les sommes supplémentaires qu’ils veulent investir dans les infrastructures scolaires. C’est évidemment à saluer.

La pénurie de profs est un obstacle plus complexe. Des travaux ont montré que 40 % des profs quitteront le réseau d’ici 20301. C’est dans à peine plus de sept ans ! C’est sans compter les éducateurs en service de garde, les orthophonistes, les chauffeurs d’autobus qu’on s’arrache aussi.

Ces enjeux sont criants, et il faut y répondre. Mais il existe un réel danger : celui que ces questions urgentes en éclipsent d’autres, moins visibles, mais tout aussi fondamentales.

Parmi celles-ci :

- Pourquoi à peine 56 % des garçons québécois atteignent-ils le cégep, contre 75 % des filles ?

- Veut-on continuer à ce que le système d’éducation au Québec fonctionne à trois vitesses – public, public à vocation particulière, privé ?

- Comment se fait-il que plus du quart de nos élèves soient codés « handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage » et comment intervenir auprès d’eux ?

- Comment combler le fossé qui s’est creusé pendant la pandémie entre les élèves forts et les élèves faibles ?

- Pourquoi notre taux de diplomation au secondaire est-il encore le plus faible de tout le Canada ?

Obtenir des réponses à ces questions est important pour former les travailleurs de demain, qui devront être de mieux en mieux qualifiés. Mais ça l’est aussi pour doter les Québécois des outils nécessaires pour comprendre le monde qui les entoure, pour éviter les pièges de la désinformation, pour participer à la société.

L’éducation est infiniment plus qu’un pont vers un chèque de paie.

Lors de l’élection précédente, François Legault avait fait de l’éducation sa « première priorité ». La CAQ avait réussi à créer un bel élan en début de mandat, qui s’est malheureusement brisé avec la pandémie.

Cet élan, il faut le relancer. Aujourd’hui, on entend M. Legault parler de l’importance de rattraper l’écart de richesse avec l’Ontario. On aimerait voir le prochain premier ministre entretenir la même obsession par rapport à nos taux de diplomation.

1. Lisez « Plus de 40% des profs seront à la retraite d’ici 2030 » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion