C’est un acte de foi que François demande à ses ouailles.

Il faut croire au troisième lien, sans avoir de preuve. Il faut voter pour cet engagement phare de la Coalition avenir Québec (CAQ), même si le premier ministre a convenu, la fin de semaine dernière, qu’il ne reposait sur aucune étude.

Pardon ?

On ne peut pas embarquer à l’aveuglette dans un projet de tunnel qui va coûter aux Québécois 6,5 milliards de dollars… au bas mot. Car comment peut-on se fier à cette évaluation de la CAQ s’il n’y a pas la moindre étude derrière ?

Nous sommes conscients des enjeux de mobilité de la région de Québec. Mais ce n’est pas une raison pour mettre la charrue devant les bœufs, comme le fait la CAQ en ce moment.

Le gouvernement brûle toutes les étapes prévues dans la Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructure publique. Des étapes essentielles pour s’assurer que la province fasse les meilleurs choix et assure une gestion rigoureuse de l’argent des contribuables.

Pour faire un avant-projet digne de ce nom, selon cette directive, il faudrait commencer par analyser les besoins de la population de la région de la Capitale, en se fondant « sur des données factuelles et vérifiables ». Quel sera l’achalandage au cours des prochaines décennies ? Est-ce que le télétravail va changer la donne ? Pour l’instant, on reste dans les limbes.

Ensuite, il faudrait s’assurer que le projet cadre avec les autres « priorités gouvernementales ». Par exemple, comment le troisième lien va-t-il s’intégrer avec la stratégie de lutte contre le réchauffement climatique du Québec ? Mais à cette question, Bernard Drainville, le candidat caquiste dans la circonscription de Lévis, répond sans détour : « Lâchez-moi avec les GES ».

Ce n’est pas sérieux.

Enfin, toujours selon la même directive, il faudrait démontrer que « toutes les solutions, quelle que soit leur nature, ont été évaluées » pour répondre aux besoins ciblés. Par exemple, une navette fluviale de qualité pourrait-elle faire partie de la solution ? Ou encore le recours à la gestion dynamique de la circulation aux heures de pointe sur les ponts actuels ?

Mais pour la CAQ, c’est le troisième lien. Point. Un avant-projet ? Au diable !

À la place, le gouvernement s’est déjà mis à forer au milieu du fleuve pour valider les caractéristiques du sol en vue de la construction du tunnel. Vu des deux rives, ça fait un beau spectacle en pleine campagne électorale !

Bref, la CAQ fait tout à l’envers. Malheureusement, c’est la recette à suivre pour que le projet se termine avec une explosion des coûts.

Tous les ingrédients sont là : annonce prématurée sans estimation préliminaire des coûts, définition incomplète des besoins qui changent en cours de route, études insuffisantes, échéanciers accélérés en phase de planification…

Cette liste d’écueils à éviter est tirée du rapport que deux firmes indépendantes, Secor et KPMG, avaient soumis à Québec, il y a dix ans, pour éviter le dérapage financier des projets d’infrastructures.

Si on ne veut pas retomber dans ces ornières, il faut sortir le troisième lien des dogmes.

Des candidates comme Martine Biron et Caroline St-Hilaire ont fait leur profession de foi en faveur du troisième lien en se lançant en politique pour la CAQ. Elles qui ne s’étaient pas gênées pour critiquer le projet dans les médias chantent maintenant ses louanges en chœur.

Il faut croire qu’elles ont eu l’appel…

Mais de grâce, les électeurs doivent rester les pieds sur terre. Le troisième lien n’est pas une religion. C’est un projet d’infrastructure majeur qui doit reposer sur des études sérieuses et indépendantes, pas sur un engagement partisan repêché des radios poubelles de Québec.

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