Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, ne doit pas être de très bonne humeur cette semaine.

Le rapport de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, publié lundi, représente pour lui un combiné embarrassant. Quelque chose comme une claque au visage et un coup de massue sur la tête.

Une claque au visage parce que cette commission, mise sur pied pour gagner du temps et formée sans y nommer de biologistes (probablement dans l’espoir qu’elle soit plus bienveillante à l’égard de l’industrie forestière), vient de lui dire qu’il doit agir de toute urgence pour sauver les caribous du Québec.

Ce n’est certainement pas ce qu’il avait envie d’entendre.

C’est une claque qui frappe d’autant plus fort que la Commission répudie carrément le travail du Ministère dans ce dossier.

Rappel : la Commission devait se pencher sur deux approches proposées par le Ministère pour sauver le caribou, dont un scénario sans impact additionnel sur les possibilités forestières.

Comme son nom l’indique, il était conçu de façon à ne pas générer « d’impacts additionnels sur les approvisionnements en bois », en concentrant les efforts de protection des caribous uniquement là où on jugeait les chances de réussite plus élevées. Une aberration puisqu’on abandonnait ainsi à leur sort plusieurs hardes menacées de disparition.

Aucun des scénarios « n’avait comme véritable objectif la protection de l’ensemble de l’aire de répartition des caribous », a déploré la Commission.

Elle a relevé un « biais évident » en faveur des activités de l’industrie forestière, « au détriment de la protection des populations de caribous et de leur habitat ».

Voyez-vous venir le coup de massue ?

C’est, par conséquent, l’existence même du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs qui a été remise en question par la Commission.

Dans le rapport, on souligne qu’il est nécessaire de se pencher « sur la cohabitation, sous la responsabilité d’un même ministre, de la protection de la faune et de l’aménagement forestier ».

En d’autres termes, il faut sérieusement songer à mettre la hache dans le ministère actuel.

Et séparer, comme ce fut le cas jadis, la gestion de la forêt et la protection de la faune.

Plusieurs, incluant la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), ont déjà pris position en faveur d’un tel changement. On pourrait par exemple remettre la gestion des forêts au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, alors que le ministère de l’Environnement ajouterait la faune et les parcs à ses responsabilités actuelles.

Nous avons nous-mêmes défendu cette option, dans ces pages, en mars dernier.

Lisez notre éditorial « Québec vous passe un sapin »

Les conclusions de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards amènent de l’eau au moulin des partisans de ce changement.

Pensons-y un peu. Comment un ministère qui travaille main dans la main avec l’industrie forestière peut-il œuvrer avec zèle et enthousiasme à la protection des caribous ?

L’ineptie du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs dans le dossier est scandaleuse, mais elle n’est pas nécessairement surprenante. C’est ce à quoi on peut s’attendre lorsqu’on offre à un renard d’être le gardien d’un poulailler.

Le prochain gouvernement doit corriger cette erreur.

Qu’il ne tente pas, toutefois, de nous faire croire qu’ainsi, en un seul coup de baguette magique, il aura réglé les problèmes des caribous. Ni celui, plus vaste, de la protection des forêts et de la conservation des écosystèmes.

Il est souhaitable que le ministère de l’Environnement puisse, à Québec, défendre les caribous (et militer pour l’implantation rapide des recommandations de la Commission, qui souhaite par-dessus tout la création d’aires protégées additionnelles).

Mais il faut réaliser qu’il se heurtera tout de même à la volonté des ministères à vocation économique.

Comme c’est déjà le cas dans plusieurs autres dossiers où la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques ne vont pas toujours de pair avec le développement économique.

À terme, donc, ce qu’il surtout espérer, c’est que le virage vert du prochain gouvernement soit plus prononcé que celui du gouvernement actuel.

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