Les transporteurs aériens n’ont vraiment pas le don de s’assurer que leurs passagers restent zen lorsque leur vol est perturbé.

Des clients d’Air Canada, qui a annulé 15 % de ses vols cet été, l’ont appris à la dure le week-end dernier, comme le rapportait CBC News. Leur vol en partance de Toronto vers Winnipeg a été annulé vers minuit, après avoir été reporté à maintes reprises. Au lieu d’un repas, d’une chambre d’hôtel ou d’une indemnisation financière, le transporteur leur a seulement remis… un tapis de yoga pour dormir sur le sol.

Le grand confort !

Ce genre de scène n’est malheureusement pas anecdotique. Le comité permanent des transports de la Chambre des communes vient d’ailleurs de convoquer d’urgence le ministre des Transports, Omar Alghabra, à une audience pour enquêter sur ces perturbations de vols.

Partout à travers le monde, l’industrie aérienne peine à reprendre le dessus après la pandémie. Mais les aéroports de Toronto et Montréal sont les « champions » planétaires des vols en retard, cet été, selon FlightAware.

Ce triste exploit a d’ailleurs valu au Canada les manchettes des journaux étrangers, une mauvaise publicité dont il n’y a pas de quoi être fiers.

Mais le plus honteux, c’est que les passagers lésés n’arrivent pas à obtenir l’indemnisation à laquelle ils ont pourtant droit en vertu du Règlement sur la protection des passagers aériens. Au cours des quatre derniers mois, l’Office des transports du Canada (OTC) a reçu pas moins de 7500 plaintes, la plupart pour des perturbations de vols.

Dès l’entrée en vigueur de ce Règlement, en 2019, c’était écrit dans le ciel que les voyageurs auraient du mal à se faire indemniser parce que la « Charte des voyageurs » est d’une complexité totalement déroutante.

Le transporteur doit-il verser une indemnité ? Ça dépend d’une foule de facteurs, mais surtout du degré de responsabilité du transporteur.

Disons que l’appareil est retardé à cause d’un bris mécanique. L’entreprise n’est pas responsable… sauf si le problème pouvait être détecté lors de l’entretien de routine. Mais comment voulez-vous que les passagers qui ne sont pas ingénieurs en aéronautique en aient le cœur net ?

Disons maintenant que l’avion reste cloué au sol parce qu’il manque un employé. Normalement, le transporteur est responsable d’une pénurie de membres d’équipage… « sauf s’il lui était impossible d’empêcher la perturbation de vol malgré une bonne planification ».

WestJet s’est d’ailleurs fait rabrouer par l’OTC, en juillet dernier, à ce sujet. Mais cela n’empêche pas les transporteurs d’utiliser encore le manque de personnel pour se défiler de leurs obligations.

Tant que la ligne restera floue, les transporteurs continueront de faire la pluie et le beau temps.

Pour couper court aux interprétations sans fin, il serait bien plus simple de forcer les transporteurs à indemniser leurs clients à tout coup, sauf en cas de circonstances extraordinaires, comme c’est le cas dans l’Union européenne.

Malheureusement, les voyageurs canadiens doivent toujours se contenter d’une protection de seconde classe.

La preuve la plus récente ?

À partir de septembre, la Charte des voyageurs sera resserrée pour forcer les transporteurs à rembourser les clients en cas d’annulation de vol.

Oh bien sûr, il s’agit d’une avancée puisque les transporteurs n’avaient offert que des crédits durant la pandémie, jusqu’à ce qu’Ottawa, après avoir si longtemps tergiversé, les force à rembourser.

Or, cette nouvelle règle restera moins avantageuse qu’ailleurs. Chez nous, les transporteurs pourront éviter le remboursement s’ils trouvent un vol alternatif dans les 48 heures, même si ça ne fait pas l’affaire du voyageur, alors qu’aux États-Unis ou en Europe, le remboursement est automatique.

Mais de toute façon, il ne suffit pas de bonifier la Charte des voyageurs. Encore faut-il qu’elle soit appliquée avec plus de mordant. Pour l’instant, l’OTC n’est pas un chien de garde très redoutable, lui qui ne fait aucune vérification de sa propre initiative pour s’assurer du respect des règles.

L’OTC se contente de traiter les plaintes au cas par cas. Mais qui a envie de déposer une plainte, sachant que l’OTC est débordé ? Il faut patienter 15 mois ou même davantage quand il s’agit d’une plainte formelle qui suit un processus quasi judiciaire lourd et complexe.

L’OTC doit être plus proactif, plus rapide et… plus sévère. Car depuis le lancement du Règlement, l’OTC a imposé des pénalités totalisant 100 000 $ aux transporteurs. Une peccadille !

Autant dire qu’on les laisse rouler sur une route sans policier ni contravention… en espérant qu’ils respectent la limite de vitesse. Et tant pis pour les passagers qui sont obligés de se débattre pour obtenir leur dû.

Pour leur simplifier la vie, pourquoi ne pas automatiser les indemnisations, comme c’est déjà le cas pour les surréservations où le transporteur dispose de 48 heures pour verser l’indemnité ?

Sinon, pourquoi ne pas créer un système centralisé dans la gestion des indemnisations au lieu de laisser les passagers lésés dans le brouillard ?

Ça aiderait les voyageurs à rester zen… bien plus qu’un tapis de yoga.

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