L’assassinat par les États-Unis du chef d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, survient alors qu’on s’apprête à souligner, le 15 août prochain, le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan il y a un an.

Impossible d’oublier les images du chaos qui régnait à l’aéroport de Kaboul alors que des Afghans s’accrochaient aux avions pour tenter de fuir.

Vingt ans d’occupation occidentale ont été balayés en l’espace de quelques jours. Et les acquis des femmes aussi.

Les témoignages qui nous viennent de l’Afghanistan ces jours-ci confirment que la situation des femmes y est critique.

Sous le régime taliban, l’espace vital des Afghanes rétrécit jour après jour : plus le droit d’étudier, de travailler, de sortir seule…

Pour reprendre les mots du plus récent rapport d’Amnistie internationale, les femmes afghanes sont victimes d’une « répression suffocante ». En d’autres mots, elles meurent à petit feu.

Et on pourrait malheureusement ajouter : dans l’indifférence générale.

Les yeux de la planète sont tournés vers l’Ukraine, pour des raisons évidentes. Vers le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, devant qui les leaders occidentaux font des courbettes pour obtenir du pétrole. Et vers les États-Unis, où Donald Trump réussit encore à attirer l’attention des médias presque tous les jours pendant que Joe Biden tente de se débarrasser d’une COVID-19 persistante.

Mais qui se soucie du sort des Afghanes ?

Pour son rapport, Amnistie internationale a mené des entrevues auprès d’une centaine de femmes de tous les âges. Elles parlent de mariages forcés, d’enlèvements, de disparitions, de torture. La peur transpire de cette lecture déchirante.

L’organisme Women for Women International, qui poursuit son travail d’éducation sur le terrain, a pris lui aussi le pouls des Afghanes l’hiver dernier, puis une autre fois en juillet. Il voulait s’assurer qu’elles se sentent suffisamment en sécurité pour poursuivre les programmes offerts par l’organisme à travers le pays. Il a constaté que la situation se détériore de plus en plus, nous dit-on.

L’organisme fait des acrobaties pour poursuivre son action dans ce pays sans braquer personne. Pour obtenir l’autorisation des pouvoirs en place – qui se négocie une province à la fois – on ne parle plus de « droits des femmes », on met plutôt l’accent sur la littératie, l’hygiène…

Ce qui ressort par-dessus tout des entretiens avec les Afghanes, nous explique Nashi Singh, responsable des politiques mondiales pour Women for Women, c’est leur peur de tomber dans l’oubli. Elles réclament notre attention. Amnistie internationale fait le même constat.

Dans ce dossier, le Canada peut faire une différence.

D’autant qu’il a une dette morale envers l’Afghanistan.

Or depuis le retrait de nos troupes, on ne peut pas dire que notre action auprès du peuple afghan ait été à la hauteur. Plusieurs interprètes afghans – ceux qui, rappelons-le, ont risqué leur vie pour aider des Canadiens – ont dû renoncer à leur projet de s’installer au pays pour cause de bureaucratie inefficace.

Les visas sont délivrés au compte-gouttes et l’objectif d’accueillir un total de 40 000 ressortissants afghans semble de plus en plus inatteignable. Aux dernières nouvelles, Ottawa s’apprêtait à mettre fin à son programme spécial d’immigration destiné aux anciens employés afghans des Forces armées, programme qui a permis d’accueillir environ 18 000 personnes.

Des voix s’élèvent, avec raison, pour que nos portes demeurent ouvertes aux Afghans. Quant au ministre du Développement international, Harjit Sajjan, il doit assouplir la réglementation canadienne afin de faciliter le travail des ONG sur le terrain.

Faut-il le rappeler ? Les droits des femmes sont le fer de lance de la politique internationale canadienne qui se targue de promouvoir des valeurs féministes. Or tous les principes supposément défendus par le Canada – sécurité et dignité des femmes, égalité des genres, etc. – sont violés en Afghanistan.

Le Canada peut et doit faire mieux. Il doit porter la voix des Afghanes au sein des instances internationales afin de s’assurer que leur sort demeure une priorité.

Les Afghanes comptent sur nous. Il ne faut pas les abandonner.

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